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— Manque-t-il jamais son but quand il veut sérieusement tuer ? Ces questions et les réponses se succédèrent rapidement, et furent suivies d’un autre intervalle de silence. Duncan crut que l’Indien hésitait, et, pour s’assurer la victoire, il recommençait l’énumération de toutes les récompenses qui lui seraient accordées, quand celui-ci l’interrompit par un geste expressif.

— Cela suffit, dit-il ; le Renard-Subtil est un chef sage, et vous verrez ce qu’il fera. Allez, et que votre bouche soit fermée. Quand Magua parlera, il sera temps de lui répondre.

Heyward, s’apercevant que les yeux de l’Indien étaient fixés avec une sorte d’inquiétude sur ses compagnons, se retira sur-le-champ, pour ne pas avoir l’air d’avoir des intelligences suspectes avec leur chef. Magua s’approcha des chevaux, et affecta d’être satisfait des soins que ses camarades avaient pris pour les équiper. Il fit signe alors au major d’aider les deux sœurs à se mettre en selle, car il ne daignait se servir de la langue anglaise que dans les occasions importantes et indispensables.

Il ne restait plus aucun prétexte plausible de délai, et Duncan, quoique bien à contrecœur, rendant à ses compagnes désolées le service qui lui était ordonné, tâcha de calmer leurs craintes en leur faisant part à voix basse et en peu de mots des nouvelles espérances qu’il avait conçues. Les deux sœurs tremblantes avaient grand besoin de quelque consolation, car à peine osaient-elles lever les yeux, de crainte de rencontrer les regards farouches de ceux qui étaient devenus les maîtres de leur destinée. La jument de David avait été emmenée par la première troupe, de sorte que le maître de chant fut obligé de marcher à pied aussi bien que Duncan. Cette circonstance ne parut pourtant nullement fâcheuse à celui-ci, qui pensa qu’il pourrait en profiter pour rendre la marche des sauvages moins rapide, car il tournait encore bien souvent ses regards du côté du fort Édouard, dans le vain espoir d’entendre dans la forêt quelque bruit qui indiquerait l’arrivée du secours dont ils avaient un si pressant besoin.

Quand tout fut préparé, Magua donna le signal du départ, et reprenant ses fonctions de guide, il se mit lui-même en tête de la petite troupe pour la conduire. David marchait après lui ; l’étourdissement que lui avait causé sa chute était complètement dissipé, la douleur de sa blessure était moins vive, et il semblait avoir pleine connaissance de sa fâcheuse position. Les deux sœurs le suivaient,