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— Nous ne pouvions pas nous entendre, répondit Heyward, désirant prolonger la discussion ; le mot elk signifie un élan ; comme celui deer un daim ; et c’est par le mot stag qu’on désigne un cerf.

— Oui, oui, dit l’Indien en se parlant à lui-même dans sa langue naturelle, les Visages-Pâles sont des femmes bavardes ; ils ont plusieurs mots pour la même chose, tandis que la Peau-Rouge explique tout par le son de sa voix. — Et s’adressant alors au major, en reprenant son mauvais anglais, mais sans vouloir changer le nom que les Canadiens avaient donné au jeune Mohican : — Le daim est agile, mais faible, dit-il ; l’élan et le cerf sont agiles, mais forts ; et le fils du Grand-Serpent est le Cerf-Agile. A-t-il sauté par-dessus la rivière pour gagner les bois ?

— Si vous voulez parler du fils du Mohican, répondit Heyward, il s’est échappé comme son père et la Longue-Carabine, en se confiant au courant.

Comme il n’y avait rien d’invraisemblable pour un Indien dans cette manière de s’échapper, Magua ne montra plus d’incrédulité ; il admit même la vérité de ce qu’il venait d’entendre, avec une promptitude qui était une nouvelle preuve du peu d’importance qu’il attachait personnellement à la capture de ces trois individus. Mais il fut évident que ses compagnons ne partageaient pas le même sentiment.

Les Hurons avaient attendu le résultat de ce court entretien avec la patience qui caractérise les sauvages, et dans le plus profond silence. Quand ils virent les deux interlocuteurs rester muets, tous leurs yeux se tournèrent sur Magua, lui demandant de cette manière expressive le résultat de ce qui venait d’être dit. L’Indien étendit le bras vers la rivière, et quelques mots joints à ce geste suffirent pour leur faire comprendre ce qu’étaient devenus ceux qu’ils voulaient sacrifier à leur vengeance.

Dès que ce fait fut généralement connu, les sauvages poussèrent des hurlements horribles qui annonçaient de quelle fureur ils étaient transportés en apprenant que leurs victimes leur avaient échappé, les uns couraient comme des frénétiques, en battant l’air de leurs bras ; les autres crachaient dans la rivière, comme pour la punir d’avoir favorisé l’évasion des fugitifs et privé les vainqueurs de leurs droits légitimes. Quelques-uns, et ce n’étaient pas les moins redoutables, jetaient de sombres regards sur les captifs