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giés dans la grotte la nécessité de garder le plus profond silence.

Au milieu de ce tumulte, un cri de triomphe partit à peu de distance de l’entrée de la grotte qui était masquée avec des branches de sassafras amoncelées. Heyward abandonna alors toute espérance, convaincu que cette issue avait été découverte. Cependant il se rassura en entendant les sauvages courir vers l’endroit où le chasseur avait caché son fusil, que le hasard venait de faire trouver. Il lui était alors facile de comprendre une partie de ce que disaient les Hurons, car ils mêlaient à leur langue naturelle beaucoup d’expressions empruntées à celle qu’on parle dans le Canada[1]. Plusieurs voix s’écrièrent en même temps : La Longue-Carabine ! et les échos répétèrent ce nom, donné à un célèbre chasseur qui servait quelquefois de batteur d’estrade dans le camp anglais, et ce fut ainsi que Heyward apprit quel était celui qui avait été son compagnon.

Les mots — la Longue-Carabine ! la Longue-Carabine ! — passaient de bouche en bouche, et toute la troupe semblait s’être réunie autour d’un trophée qui paraissait indiquer la mort de celui qui en avait été le propriétaire. Après une consultation bruyante fréquemment interrompue par les éclats d’une joie sauvage, les Hurons se séparèrent et coururent de tous côtés en faisant retentir l’air du nom d’un ennemi dont Heyward comprit, d’après quelques-unes de leurs expressions, qu’ils espéraient trouver le corps dans quelque fente de rocher.

— Voici le moment de la crise, dit-il tout bas aux deux sœurs qui tremblaient. Si cette grotte échappe à leurs recherches, nous sommes en sûreté. Dans tous les cas nous sommes certains, d’après ce qu’ils viennent de dire, que nos amis ne sont pas tombés entre leurs mains, et d’ici à deux heures nous pouvons espérer que Webb nous aura envoyé du secours.

Quelques minutes se passèrent dans le silence de l’inquiétude, et tout annonçait que les sauvages redoublaient de soin et d’attention dans leurs recherches. Plus d’une fois on les entendit passer dans l’étroit défilé qui séparait les deux cavernes ; on le reconnaissait au bruissement des feuilles de sassafras qu’ils froissaient, et des branches sèches qui se brisaient sous leurs pieds. Enfin la pile amoncelée par Heyward céda un peu, et un faible rayon de lumière

  1. Le français.