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l’homme dont l’air et les manières avaient captivé si longtemps son attention. La foule s’était écoulée insensiblement avant qu’il se fût aperçu qu’il restait presque seul ; et, livré à ses rêveries, il ne remarquait point qu’il allait sans doute attirer lui-même l’attention du petit nombre de membres encore présents, lorsqu’une voix, qui se fit entendre à côté de lui, le rappela à lui-même.

— Est-ce pour entendre leurs griefs et pour prendre leur défense, ou bien est-ce en qualité d’heureux officier de la couronne que le major Lincoln est venu assister ce soir à une réunion de ses compatriotes ? demanda le même homme que, depuis quelque temps, il cherchait en vain dans la foule.

— Cette défense des opprimés est-elle incompatible avec le dévouement que je dois à mon prince ? demanda fièrement Lionel.

— Elle ne l’est point, reprit l’inconnu avec bonté ; la preuve, c’est qu’il se trouve parmi nous un grand nombre de braves Anglais qui ont embrassé notre cause ; mais le major Lincoln est notre compatriote, et c’est à ce titre que nous comptons sur lui.

— Peut-être, Monsieur, y aurait-il de l’imprudence à désavouer ce nom dans ce moment, quelle que soit d’ailleurs ma façon de penser, dit Lionel avec un peu de hauteur ; ce lieu n’est peut-être pas aussi sûr pour y faire des professions de foi que la place de Boston ou le palais de Saint-James.

— Si le roi eût été au milieu de nous ce soir, major Lincoln, aurait-il entendu prononcer un seul mot opposé à cette constitution qui a déclaré sa personne inviolable ?

— Quelle que puisse être la loyauté de vos sentiments, Monsieur, ils n’ont certainement pas été exprimés dans un langage auquel les oreilles d’un roi soient accoutumées.

— Ce n’était pas le langage de l’adulation ni de la flatterie, mais celui de la vérité, qui n’est pas moins sacrée que les droits des rois.

— Ce n’est ni le lieu ni le moment de discuter les droits de notre maître commun, Monsieur, dit vivement le jeune officier ; mais si nous nous rencontrons jamais dans une sphère plus élevée, ce que tout en vous me fait présumer, vous me trouverez prêt à les soutenir.

— Nos pères s’y sont rencontrés souvent, dit l’inconnu avec un sourire expressif ; puisse le ciel préserver leurs fils de rela-