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ne se composait que de six pièces de campagne, et d’une petite batterie formée de vieux canons de vaisseaux, en mauvais état. Aussi, lors de son arrivée à Boston, Lionel n’aperçut que quelques batteries éparses sur les hauteurs, et destinées plutôt à tenir la ville en respect qu’à repousser un ennemi du dehors. On avait pourtant élevé quelques fortifications le long de l’isthme. La garnison se compensait d’un peu moins de cinq mille hommes, sans compter un nombre plus ou moins grand de matelots, suivant la quantité de vaisseaux de guerre qui se trouvaient dans le port.

Pendant tout ce temps il n’y eut d’autre interruption dans les relations qui existaient entre Boston et la province, que celle qui résultait inévitablement de la stagnation du commerce, et de la défiance engendrée par l’aspect des affaires. Quoique nombre de familles eussent déserté leurs maisons, il restait encore beaucoup de patriotes prononcés dont les oreilles étaient blessées par le bruit des tambours anglais, et dont le cœur déjà ulcéré saignait encore davantage en entendant les sarcasmes des officiers sur les burlesques préparatifs de guerre que faisaient leurs compatriotes. C’était une idée assez générale, et elle ne s’était point seulement répandue parmi les jeunes têtes évaporées de l’armée, que les colons n’avaient aucun talent militaire ; et ceux mêmes qui en Europe étaient leurs plus zélés partisans, craignaient qu’un appel aux armes ne mît fin pour toujours aux justes réclamations des Américains, en prouvant qu’ils n’étaient point capables de les soutenir jusqu’à la dernière extrémité.

Les deux partis se trouvaient ainsi en présence : le peuple, observant un ordre parfait, sans reconnaître de lois, silencieux, attentif, ayant des chefs qui veillaient pour lui ; le soldat, gai, fier, ne paraissant rien craindre, sans pourtant se permettre aucun acte d’oppression ni de violence jusque après quelques excursions malheureuses faites dans la province pour y chercher des armes.

Mais une infinité de causes, les unes publiques, les autres particulières, et dont l’examen appartient plutôt à l’histoire qu’à une simple légende, ne tardèrent pas à animer les esprits ; le mécontentement augmentait chaque jour. Toutes les occupations étaient suspendues, et l’en attendait le cours des événements avec une pénible anxiété. On savait que le parlement, au lieu de révoquer les actes qui blessaient les Américains, se préparait à leur