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— Je ne prétends pas dire que ce ne soit pas une mauvaise compagnie, reprit le digne capitaine, mais je ne doute pas que vous ne puissiez trouver quelque part dans la Bible des consolations pour vos fautes. Ayez soin de prendre une nourriture fortifiante, et je vous réponds que le poids qui vous charge la conscience deviendra plus léger. C’est un remède infaillible. Jetez les yeux sur le monde. Un scélérat bien nourri éprouve-t-il des remords ? non. Ce n’est que lorsque son estomac est vide qu’il commence à songer à ses crimes. Et je vous recommande de faire choix d’aliments substantiels, car vous montrez un peu trop les os pour qu’on puisse vous croire dans une santé florissante. Je ne voudrais rien dire qui pût renouveler vos chagrins, mais vous et moi nous connaissons un cas où la nourriture est venue trop tard.

— Oui, trop tard, trop tard ! Tout est venu trop tard, et même le repentir.

— Ne parlez pas ainsi, dit Lionel ; ce serait manquer de confiance dans les promesses d’un être qui est la vérité même.

Abigaïl jeta sur lui un regard qui exrimait toute la terreur à laquelle son âme était en proie, et dit d’une voix faible :

— Qui a vu la fin de Mrs Lechmere ? son esprit a-t-il passé en paix ?

Sir Lionel garda encore un profond silence.

— Je le pensais, continua-t-elle ; ce n’est pas un péché qu’on puisse oublier sur son lit de mort. Comploter le mal, appeler Dieu pour être témoin d’un mensonge ! bannir la raison d’un cerveau qu’il avait si bien organisé ! Retirez-vous ! vous êtes jeunes et heureux, pourquoi resteriez-vous plus longtemps au milieu des tombeaux ? Laissez-moi y prier : si quelque chose peut adoucir l’amertume des remords, c’est la prière.

Lionel laissa tomber près d’elle la clé qu’il tenait en main et lui dit avant de se retirer :

— Ce caveau est fermé pour toujours, à moins qu’à votre requête il ne se rouvre encore une fois pour vous placer à côté de votre fils. Les enfants de ceux qui l’ont fait creuser y sont déjà réunis, à l’exception de deux qui mourront sur un autre hémisphère. Prenez cela, et puisse le ciel vous pardonner comme je vous pardonne !

Il jeta une bourse pleine d’or à côté de la clé, et sortit du cimetière avec Polwarth sans dire un mot de plus. Lorsqu’ils furent