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CHAPITRE XXXI.


Est-elle une Capulet ? Ô compte précieux ! c’est à mon ennemie que je dois la vie.
Shakspeare. Roméo et Juliette



Ah ! Lincoln ! Lincoln ! s’écria Cécile en pleurant et en cherchant à s’arracher aux bras de son mari qui la tenait tendrement embrassée ; en quel moment m’avez-vous abandonné !

— Et combien j’en ai été puni, ma chère Cécile ! Une nuit de frénésie ! une matinée de regrets ! Le destin m’a fait sentir assez tôt la force des nœuds qui nous unissent, à moins que ma folie ne les ait déjà rompus !

— Ah ! je vous connais à présent, esprit volage, et j’emploierai toute l’adresse d’une femme pour tisser des filets qui puissent vous retenir. Lionel, si vous m’aimez, comme je voudrais le croire, oublions tout le passé, je vous en prie. Non, je ne vous demande aucune explication : vous avez été trompé, et vos yeux repentants m’assurent que vous avez recouvré la raison ; ne parlons que de vous. Pourquoi vous trouvé-je ici gardé à vue plutôt comme un criminel que comme un officier de la couronne ?

— Il est vrai qu’on veille spécialement à ma sûreté.

— Comment êtes-vous tombé en leur pouvoir ? pourquoi abusent-ils de leur avantage ?

— Cela est facile à expliquer. Comptant que la tempête… Quelle nuit affreuse que celle de notre mariage, Cécile !

— Terrible ! s’écria-t-elle en frémissant. Mais au même instant, bannissant par le plus doux sourire toute apparence de crainte et de soucis, elle ajouta : — Mais je n’ai plus de foi aux présages, Lincoln, et si nous en avons eu quelqu’un, n’est-il pas déjà accompli ? Je ne sais pas quel prix vous attachez à la bénédiction d’une âme près de se séparer du corps, Lionel ; mais c’est une consolation pour moi de savoir que mon aïeule a béni, avant de mourir, notre union si subite.

Sans faire attention à la main que Cécile lui avait appuyée sur