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il raisonnait, plus il se trouvait enfermé dans un labyrinthe d’idées confuses et obscures, et il était disposé à saisir le premier fil qui s’offrirait à lui pour tâcher d’en sortir. On connaît déjà les conclusions qu’il avait tirées de la vue du hausse-col de Mac-Fuse ; il nous reste à montrer la manière ingénieuse dont il se conduisit en conséquence.

Polwarth avait toujours été surpris qu’un homme comme Lionel pût supporter si longtemps la société d’un idiot, et une circonstance qui n’avait pas échappé à ses observations, c’était que les communications qui avaient eu lieu entre eux étaient en quelque sorte couvertes d’une ombre de mystère. Il avait entendu la veille Job se vanter sottement d’avoir donné la mort à Mac-Fuse, et le hausse-col percé par une balle, joint au lieu où on l’avait trouvé, et qui s’accordait si bien avec l’habitude de l’idiot de se coucher dans les cendres, tendait à confirmer la vérité de ses aveux. L’affection de Polwarth pour le capitaine de grenadiers ne cédait qu’à son attachement pour son plus ancien ami ; il lui paraissait reconnu que Job avait été l’instrument de la mort du premier, et il commençait à soupçonner que c’était également lui qui avait détourné le second du sentier de son devoir. Concevoir une opinion et être convaincu qu’elle était juste, c’étaient des résultats que la même opération de l’esprit produisait chez ce disciple de la philosophie animale. Tandis qu’il était près du sépulcre de la famille Lechmere, remplissant le rôle important de maître des cérémonies, il avait brièvement repassé à part soi les arguments qu’il trouvait nécessaires pour le conduire à cette conclusion. L’arrangement de ses idées prit même la forme d’un syllogisme qu’on pourrait établir en ces termes : — Job a tué Mac-Fuse ; or, quelque malheur est arrivé à Lincoln ; donc c’est Job qui en est l’auteur.

Il est vrai qu’il se présentait à l’appui de cette conséquence beaucoup de raisonnements intermédiaires, sur lesquels le capitaine jeta un coup d’œil extrêmement rapide, et que le lecteur peut concevoir aisément, pour peu qu’il soit doué d’imagination. À celui qui est porté à croire à la liaison qui existe entre un effet naturel et sa cause, il ne serait pas difficile de démontrer qu’il n’était pas tout à fait déraisonnable à Polwarth de soupçonner que Job était entré pour quelque chose dans la disparition étonnante de Lincoln, et d’en concevoir tout le ressentiment qu’un