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parlais de crise, et vous avez fait un triste commentaire de mes paroles, reprit le capitaine avec un sourire mélancolique. Il y a eu un temps où je servais dans l’infanterie légère ; mais, bah ! je m’en suis dégoûté. Il y a donc quatre opérations, comme je vous le disais d’abord, le choix, ensuite la mastication, puis la déglutition, et enfin la digestion.

— Bien n’est plus vrai, Monsieur, dit l’étranger d’un air distrait ; la diète et de légers repas sont ce qu’il y a de mieux pour le cerveau.

— La diète et de légers repas, Monsieur, ne sont bons qu’à faire des nains et des idiots ! reprit le capitaine avec quelque chaleur. Je vous répète, Monsieur…

Il fut interrompu par l’étranger, qui arrêta tout à coup une dissertation que Polwarth allait faire sur les rapports qui existait entre la partie animale et la partie intellectuelle, en demandant brusquement :

— Si l’héritier de cette illustre famille est perdu, n’y a-t-il personne pour se mettre à sa recherche ?

Polwarth se voyant ainsi couper la parole dans le moment le plus intéressant, regarda finement l’interrupteur entre deux yeux, sans faire de réponse. Mais bientôt son bon naturel l’emporta sur son ressentiment, et cédant à l’intérêt que lui inspirait Lionel, il lui répondit :

— J’irais au bout du monde, je braverais tous les dangers pour lui rendre service.

— En ce cas, Monsieur, le hasard a réuni deux hommes qui sont animés des mêmes sentiments. Moi aussi je ferai tous mes efforts pour le découvrir. J’ai entendu dire qu’il a des amis dans cette province. N’a-t-il pas quelque parent à qui nous puissions nous adresser pour avoir des renseignements ?

— Mais il n’en a pas de plus proche que sa femme.

— Sa femme ! répéta l’autre avec surprise ; il est donc marié ?

L’étranger parut plongé dans ses réflexions, et Polwarth l’examina avec plus d’attention que jamais. Il paraîtrait que le résultat de cet examen ne fut pas satisfaisant, car Polwarth branla la tête d’une manière non équivoque, et doubla le pas pour gagner la porte du cimetière où son tompumg l’attendait. Il venait de s’y placer lorsque l’étranger s’approcha de nouveau :

— Si je savais où trouver son épouse, lui dit-il, j’irais lui offrir mes services.