Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Mais par quel hasard ce hausse-col se trouve-t-il dans l’appartement du major Lincoln ? Est-il possible que…

— Par quel hasard en effet ? interrompit Polwarth se levant dans son agitation et commençant à arpenter la chambre avec autant de vivacité que son état de mutilation le lui permettait. Pauvre Denis ! qui eût dit que je retrouverais ici cette triste relique qui me rappelle ton funeste sort ? Vous n’avez pas, je crois, connu Denis, miss Agnès. C’était un homme que la nature avait taillé sous tous les rapports pour être soldat. Il avait les formes d’Hercule, le cœur d’un lion et l’estomac d’une autruche ! mais tout cela ne put empêcher cette balle infernale… Il est mort, le pauvre garçon ! il est mort !

— Mais enfin ce hausse-col peut-il servir à nous mettre sur la voie ? demanda Agnès d’un ton d’impatience.

— Ah ! s’écria Polwarth en tressaillant, je crois que je commence à entrevoir le mystère. Le misérable qui a eu le cœur de tuer un homme avec lequel il avait bu et mangé a pu aisément le dépouiller après sa mort. Vous avez trouvé ce hausse-col près de la cheminée du major Lincoln, dites-vous, belle Agnès ?

— Dans les cendres, comme si on l’y avait jeté dans quelque moment de détresse.

— J’y suis, j’y suis, reprit Polwarth en frappant dans ses mains et en parlant entre ses dents ; il faut que ce soit cependant cet assassin dont je parlais, et la justice aura son cours à présent. Fou ou non fou, il sera pendu comme du bœuf fumé pour sécher en plein air.

— De qui parlez-vous d’un ton si menaçant, Polwarth ? demanda Agnès d’une voix douce et insinuante dont la jeune malicieuse connaissait bien le pouvoir, et qu’elle savait employer à propos.

— D’un infâme, d’un hypocrite, d’un scélérat qui s’appelle Job Pray ; d’un drôle qui n’a pas plus de conscience que de cervelle, et pas plus de cervelle que d’honneur ; d’un traître qui mangera aujourd’hui à votre table, et qui demain vous mettra sur la gorge le couteau que vous lui avez prêté pour l’aider à assouvir sa faim. C’est ce mécréant qui a moissonné la fleur des braves, la gloire de l’Irlande !

— Il faut alors que ce soit au milieu d’une bataille, dit Agnès ; car quoiqu’il manque de raison, Job a été élevé dans la connais-