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En revenant de sa ronde, Lionel approcha du poêle et céda au vif désir d’entendre le son d’une voix humaine, ne fût-ce que celle de Job. Il toucha légèrement l’idiot du bout du pied, et celui-ci se réveilla avec une promptitude qui prouvait combien son repos était ordinairement court et troublé.

— Vous êtes bien maussade aujourd’hui, Job, dit Lionel s’efforçant de cacher sa faiblesse sous une gaieté affectée ; sans cela vous m’auriez demandé la raison qui m’a amené ici ce soir.

— Les enfants de Boston aiment leurs chapelles, répondit l’idiot.

— Oui, mais ils aiment encore mieux leur lit, et dans ce moment il y en au moins la moitié qui savourent une jouissance que vous paraissez apprécier.

— Job aime à manger et à avoir chaud.

— Et à dormir aussi, si j’en juge par votre assoupissement.

— Oui, dormir est assez doux. Job ne sent pas qu’il a faim lorsqu’il dort.

Lionel garda quelques instants le silence, touché des souffrances que Job venait d’exprimer, sans le savoir, avec un si touchant abandon ; enfin il continua :

— Mais j’espère voir arriver ici bientôt le prêtre, deux dames et le capitaine Polwarth.

— Job aime le capitaine Polwarth : il a toujours beaucoup de provisions.

— Ne penserez-vous donc jamais qu’à votre estomac, drôle que nous êtes ?

— Dieu a créé la faim, dit Job d’un air triste ; il a créé aussi les aliments ; mais le roi garde tout pour ses voraces habits rouges.

— Eh bien ! écoutez et soyez attentif à ce que je vais vous dire. Une des dames qui va venir ici est miss Dynevor ; vous connaissez miss Dynevor, Job ? la belle miss Dynevor !

Mais les charmes de Cécile n’avaient point fait sur l’idiot leur impression accoutumée, et il continua à regarder Lionel avec son apathie ordinaire.

— Assurément, Job, vous connaissez miss Dynevor ! répéta Lionel avec une humeur dont en tout autre moment il aurait été le premier à rire ; elle vous a donné bien des fois de l’argent et des vêtements.

— Oui, Mrs Lechmere est sa grand’mère.