Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/241

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ennemies, et de tous les principaux événements qui avaient eu lieu depuis la journée de Breeds. Une ou deux fois le convalescent fit allusion à la bravoure des rebelles et à l’énergie inattendue qu’ils avaient montrée. Polwarth alors l’écoutait en silence, et ne lui répondait que par un sourire mélancolique, ou par un regard expressif dirigé sur le membre artificiel qui remplaçait celui qu’il avait perdu. Lionel, voyant que son ami reconnaissait ainsi tacitement l’erreur dans laquelle il avait été sur le caractère des Américains, s’abstint enfin de parler de ce sujet.

Il apprit que le général des forces royales s’était maintenu dans la possession qu’il avait acquise sur la péninsule de Charlestown, mais qu’il s’y trouvait serré d’aussi près que dans celle de Boston. Pendant ce temps, tandis que la guerre continuait sérieusement sur le théâtre où elle avait commencé, des hostilités avaient eu lieu dans toutes les colonies au sud du fleuve Saint-Laurent et des grands lacs. Les colons agissant sous l’influence d’un enthousiasme universel, tous ceux qui étaient en état de porter les armes s’étaient levés en masse, et d’abord ils avaient réussi partout. Une grande armée avait été organisée, comme nous l’avons déjà dit, et des divisions avaient été envoyées sur différents points, pour s’emparer des positions qu’on jugeait dès le principe devoir être importantes pour assurer le succès des opérations. Mais on commençait déjà à s’apercevoir des malheureux effets de la division des pouvoirs. Après une suite de petites victoires, Montgomery[1] avait succombé dans une tentative hardie, mais infructueuse, pour emporter la forteresse imprenable de Québec ; et, cessant enfin d’être les assaillants, les Américains furent obligés de réunir toutes leurs ressources pour résister aux puissants efforts qu’on savait que l’Angleterre se disposait à faire très-incessamment.

Le ministère anglais, sachant que des milliers de ses concitoyens dans la mère-patrie voyaient cette guerre avec répugnance, eut

  1. Le général Richard Montgomery était né en Irlande, et avait servi fort jeune dans le Canada, lors des guerres de Montcalm. À la paix, il s’était marié et établi dans la province de New-York. Quand la guerre de l’indépendance éclata, il prit parti pour les Américains, et fut chargé de l’expédition du Canada, où il joignit le colonel Arnold sous les murs de Québec. Ce fut en donnant un assaut à cette ville, le 31 décembre 1775, qu’il fut renversé par une décharge d’artillerie. Pleuré par les Américains, il reçut en Angleterre même les hommages dus aux héros, et l’illustre Fox fit un crime au ministère d’avoir eu pour ennemi un caractère aussi beau que celui de Montgomery. Arnold lui succéda au commandement de l’armée.