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batterie de canons sur cette hauteur ; Lionel évita les sentinelles qui avaient été placées pour les garder, afin de n’être pas obligé de répondre à leurs questions ; et, arrivé sur l’éminence, il s’assit sur une pierre et commença à méditer profondément sur ses aventures et sur la situation de son pays.

La nuit était obscure ; mais les vapeurs qui semblaient suspendues sur la ville s’entrouvraient quelquefois lorsqu’une étoile brillait au ciel, pour laisser apercevoir les vaisseaux de guerre qui étaient à l’ancre dans le port, et l’autre côté du rivage qui se dessinait en noir sur l’horizon. Le calme du soir dominait sur toute la scène ; et, lorsque les cris des sentinelles ou des matelots, se répétant l’un à l’autre : — Tout va bien[1] ! — s’élevaient des vaisseaux et des batteries, à ce bruit soudain succédait un morue silence, comme si l’univers sommeillait tranquille sur cette assurance de sécurité.

Dans cet instant, où l’on entendait même le plus faible murmure de la brise de la nuit, Lionel crut distinguer quelque bruit sur les eaux, comme si une rame les fendait avec une extrême prudence ; il écouta attentivement, et dirigeant ses regards du côté d’où paraissaient venir les sons, il vit une petite barque qui glissait sur la surface de l’onde et qui s’avança bientôt sur la plage sablonneuse au pied de la colline, avec un mouvement si mesuré et si uniforme, qu’à peine une vague vint-elle effleurer la terre.

Curieux de savoir qui pouvait se promener ainsi dans le port à une pareille heure et avec tant de mystère, Lionel se levait pour descendre, lorsqu’il vit un homme sortir de la barque et gravir la hauteur dans la direction même où il se trouvait. Retenant jusqu’à sa respiration, et se retirant sous l’ombre épaisse projetée par une pointe de la colline qui s’élevait un peu au-dessus de lui, Lionel l’observa en silence ; il le vit s’arrêter lorsqu’il fut arrivé à dix pas de l’endroit où il était, se pencher à terre, et s’efforcer comme lui d’étouffer tout autre bruit, tout autre sentiment, pour écouter avec la plus grande attention. Le jeune officier dit alors en tirant son épée du fourreau :

— Nous avons choisi un lieu bien retiré et une heure bien secrète pour nos méditations, Monsieur ?

  1. All is well ; ce cri, dans la bouche des factionnaires anglais, répond à celui de sentinelles, prenez garde à vous !