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faire l’aveu de quelque grande faute, tandis qu’elle n’avait voulu parler que des erreurs qui sont le partage ordinaire de l’homme. La conduite de cette femme à cet égard n’avait rien de bien extraordinaire, car ceux qui déclament le plus fortement sur la nature perverse du cœur humain en général, sont pour la plupart ceux qui sentent qu’ils méritent eux-mêmes le plus de reproches pour leurs fautes personnelles. Plus les questions du major devinrent serrées et pressantes, plus Abigaïl devint circonspecte ; et la soupçonnant en secret d’avoir commis envers Ralph quelque acte de trahison, il se retira fort courroucé, déterminé à avoir l’œil ouvert sur tous ses mouvements, et à saisir le moment convenable pour agir de manière, non seulement à la forcer à un aveu, mais à la couvrir de honte.

Sous l’influence de ce ressentiment momentané, et ne pouvant s’empêcher de concevoir les soupçons les plus désagréables à l’égard de sa tante, Lionel résolut de cesser, ce jour même, d’habiter sous le même toit.

Mrs Lechmere, qui, si elle savait que son neveu avait été témoin de son entretien avec Ralph, devait l’avoir appris d’Abigaïl, le reçut au déjeuner de manière à ne pas donner à croire qu’elle en fût informée. Elle écouta avec un intérêt évident les prétextes qu’il allégua pour quitter sa maison. Lionel lui parla du nouveau genre de vie qu’il allait probablement être obligé de mener, maintenant que les hostilités étaient commencées ; de l’embarras que lui causait sa présence dans sa maison, à l’âge où elle était arrivée, et avec les habitudes tranquilles qu’elle avait contractées ; du désir qu’il avait de lui éviter un pareil trouble, enfin de tout ce qu’il croyait pouvoir servir d’excuse pour justifier sa résolution. Pendant qu’il s’exprimait ainsi, il vit plus d’une fois les yeux de sa tante se tourner vers Cécile avec une expression d’inquiétude qui en toute autre circonstance aurait pu lui rendre suspects les motifs de son hospitalité. Cependant Cécile parut écouter sa détermination avec une satisfaction évidente, et quand son aïeule lui demanda ce qu’elle pensait de ce que son cousin venait de dire, et s’il avait une seule bonne raison pour quitter Tremont-Street, elle répondit avec plus de vivacité qu’elle n’en avait montré depuis quelque temps :

— Certainement, ma chère grand-maman, la meilleure de toutes, son inclination. Le major Lincoln est fatigué de notre manière de