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n’en ayons pas assez pour nous préparer à répondre sur toutes nos iniquités. Parlons du tombeau, Mrs Lechmere, pendant que nous le pouvons encore avant d’y descendre.

— Oui ! parlez du tombeau avant que sa glace ait rendu votre langue muette ; c’est la patrie du vieil âge, dit une troisième voix dont le son creux semblait sortir d’un sépulcre ! je suis ici pour m’entretenir avec vous de ce sujet salutaire.

— Qui ! qui ! au nom de Dieu, qui êtes-vous ? s’écria Mrs Lechmère en se levant précipitamment, une nouvelle émotion lui faisant oublier son âge, ses infirmités et l’agitation que d’autres motifs lui avaient précédemment occasionnée. Dites-moi, je vous en conjure, qui êtes-vous ?

— Un homme de votre âge, Priscilla Lechmere, un homme qui est comme vous à la porte de cette dernière demeure dont vous parliez ; continuez donc, car si vous avez commis des fautes qui ont besoin de pardon, c’est dans le tombeau que vous trouverez le don de merci céleste qui peut encore vous être accordé, quelque indigne que vous en soyez.

En changeant un peu de position, Lionel put voir tout l’appartement. Sur le seuil de la porte était le vieux Ralph, immobile comme une statue, une main levée vers le ciel, et l’autre dirigée vers la terre d’une manière expressive, comme s’il eût voulu révéler les secrets de cette tombe, que les rides de son visage et ses membres décharnés annonçaient qu’il habiterait bientôt, tandis que ses yeux étincelants, roulant dans leurs orbites, passaient rapidement de l’une à l’autre des deux femmes qui étaient devant lui, en leur lançant des regards aussi expressifs que pénétrant. À quelques pas du vieillard, Mrs Lechmere était debout avec la raideur et l’immobilité du marbre ; son capuchon était retombé sur ses épaules ; ses traits, pâles comme la mort, exprimaient le saisissement et l’horreur ; elle avait la bouche ouverte, et ses yeux, fixés sur ce nouveau-venu, ne semblaient pas plus pouvoir s’en éloigner que si le ciseau d’un statuaire leur eût donné cette direction. Abigaïl, la tête appuyée sur une main, se cachait le visage de l’autre avec son tablier, et le frémissement qui agitait tous ses membres annonçait la violence des émotions qu’elle s’efforçait en vain de cacher.

Étonné de ce qu’il avait vu et entendu, et inquiet de l’état dans lequel il trouvait sa tante, pour qui son âge avancé rendait