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— Au diable soient de tels enfants !… Voilà un joli drôle pour tuer un grenadier de six pieds… Et avec une canardière probablement ! N’importe, je ne le ferai pas pendre, major Lincoln, puisque vous vous intéressez à lui ; je me bornerai à l’enterrer tout vivant.

Job ne parut nullement ému de toutes ces menaces, et il resta sur sa chaise d’un air calme et tranquille. Enfin le capitaine, honteux de conserver du ressentiment contre un idiot, oublia ses projets de vengeance ; mais il continua à proférer des menaces contre les Américains, et des malédictions contre un genre de guerre si indigne d’un soldat, jusqu’à la fin du repas dont les trois amis avaient si grand besoin.

Polwarth ayant rétabli l’équilibre dans son système physique, regagna son lit en boitant. Mac-Fuse prit possession sans cérémonie d’un autre appartement de la maison de M. Sage. Les domestiques se retirèrent pour aller souper à leur tour, et Lionel, qui depuis une demi-heure avait gardé un silence mélancolique, se trouva tout à coup seul avec l’idiot. Job avait attendu ce moment avec une patience sans égale ; mais quand il eut vu sortir Meriton, qui se retira le dernier, il fit un mouvement qui annonçait qu’il avait à faire quelque communication d’une importance plus qu’ordinaire, et il réussit à attirer l’attention du major.

— Jeune insensé ! dit Lionel, ne vous avais-je pas dit que ces gens téméraires vous feraient courir risque de la vie ? Comment se fait-il que je vous aie vu aujourd’hui les armes à la main contre les troupes du roi ?

— Et comment se fait-il que les troupes du roi aient pris les armes contre Job ? S’imaginent-elles qu’elles pourront parcourir toute la province, battant le tambour, sonnent de la trompette et faisant feu sur les habitants, sans qu’il y ait du tapage ?

— Savez-vous que, depuis vingt-quatre heures, vous avez mérité deux fois la mort, d’abord pour avoir porté les armes contre le roi, et ensuite pour avoir tué un homme ? Vous venez de l’avouer vous-même.

— Oui, Job a tué un grenadier, mais il a empêché qu’on ne tuât le major Lincoln.

— C’est vrai, c’est vrai ; je vous dois la vie, et je m’acquitterai de cette dette à tout risque. Mais pourquoi vous êtes-vous mis si