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— Vous êtes malade ? s’écria Lionel.

— Laissez-moi, dit le vieillard, laissez-moi.

— Je ne puis vous laisser seul et dans un tel moment.

— Je vous dis de me laisser ; nous nous rencontrerons, comme vous le désirez, dans l’intérieur du pays.

— Vous me conseillez donc d’accompagner les troupes et d’attendre votre arrivée ?

— Certainement.

— Pardonnez-moi, dit Lionel en baissant les yeux avec embarras et en parlant avec hésitation ; mais la demeure que vous avez choisie, l’état où je vous vois, les vêtements qui vous couvrent, tout me prouve que l’hiver est arrivé pour vous, sans que l’été vous ait donné les moyens d’adoucir ses rigueurs.

— Voudriez-vous m’offrir de l’argent ?

— Si vous daigniez l’accepter, c’est moi qui vous devrais de la reconnaissance.

— Lorsque mes besoins excéderont mes moyens, jeune homme, je me rappellerai votre offre. Allez, maintenant, il n’y a pas de temps à perdre.

— Mais je ne voudrais pas vous laisser seul. Où est Abigaïl ? cette vieille folle serait toujours mieux que rien.

— Elle est absente.

— Et Job ? Le pauvre idiot a des sentiments d’humanité, et il pourrait vous secourir au besoin.

— Il est occupé à quelque chose de mieux qu’à soutenir les pas d’un vieillard inutile. Partez à l’instant et laissez-moi, je vous en prie, Monsieur, et, s’il le faut, je vous l’ordonne.

La manière ferme et presque impérieuse dont le vieillard parlait apprit à Lionel qu’il n’y avait rien à gagner sur lui ; il obéit donc avec répugnance, et il retourna plus d’une fois la tête en se retirant. Des qu’il fut au bas de l’échelle, il se hâta de reprendre le chemin de son logement. En traversant le petit pont jeté sur le bassin étroit dont nous avons déjà parlé, ses réflexions furent interrompues par le son de plusieurs voix qui s’entretenaient tout bas et avec mystère à peu de distance. C’était un moment où tout ce qui n’était pas ordinaire devait éveiller l’attention, et Lionel s’arrêta pour examiner deux hommes qui près de là tenaient leur secret conciliabule. À peine avait-il eu le temps de les remarquer que les deux individus se séparèrent ;