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— Oh ! sans doute, dit l’officier en souriant, comme un bouchon dans un étang ; je réponds que vous ne vous trompez pas. Donnez à Barnstable la pleine mer, un bon vent et un peu de voile, il enverra ses gens sous le pont, placera au gouvernail ce grand drôle qu’il appelle Tom-le-Long, et ira lui-même dormir aussi tranquillement que je dormirais à l’église.

— Ah ! c’est que votre orthodoxie s’endort aisément, capitaine Manuel, dit le jeune marin en passant les bras dans les manches d’un surtout décoré des emblèmes dorés de sa profession et de son grade. Vous autres qui n’avez rien à faire, vous trouvez que le sommeil vient tout naturellement. Mais faites-moi place, s’il vous plaît, et je ferai venir le schooner dans le temps qu’il faudrait pour tourner un sablier.

L’officier qui était indolemment appuyé sur le chambranle de la porte, changea de posture pour le laisser passer, et Griffith, après avoir traversé l’obscure grand’chambre, monta l’escalier étroit qui conduisait à la principale batterie du vaisseau, et en prit ensuite un plus large pour arriver sur le pont.

Le vent était encore fort, mais régulier, et les vagues bleues de l’Océan s’élevaient en petites montagnes couronnées d’écume, du sommet desquelles le vent détachait de temps en temps de grosses gouttes d’eau qu’il chassait devant lui comme un brouillard épais. Mais la frégate voguait sur ces vagues agitées avec un mouvement facile et régulier qui faisait honneur aux connaissances nautiques de ceux qui en dirigeaient la course. Le jour était pur, le ciel brillant, et le soleil qui semblait ne monter qu’à regret et lentement jusqu’au méridien, traversait le firmament avec une tendance vers le sud qui lui permettait à peine de tempérer par ses rayons l’air humide de l’Océan. À la distance d’environ un mille, on apercevait l’Ariel obéissant au signal qui avait donné lieu à la conversation que nous venons de rapporter. En certains moments on pouvait à peine distinguer le corps du bâtiment, quand il s’élevait sur le haut d’une vague plus forte que les autres ; mais on voyait la voile qu’il exposait au vent, et qui semblait toucher l’eau d’un côté ou de l’autre, suivant que le petit navire était incliné. Quelquefois il disparaissait entièrement, et quand il se montrait de nouveau, on voyait d’abord ses grands mâts qui semblaient sortir du sein des mers, et qui continuaient à monter jusqu’à ce que le corps du vaisseau reparût entouré