Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Oui, Dieu sait que nous avons serré la côte d’assez près. Mais le capitaine Munson sait-il que vous désirez vous rendre à bord de son vaisseau ?

— Certainement non. Personne ne le sait que vous. J’ai pensé que si vous et Griffith vous pouviez apprendre quelle est notre situation, vous seriez tentés de hasarder quelque chose pour nous en tirer. Voici un papier sur lequel j’ai tracé un récit qui réveillera, j’espère, tous vos sentiments chevaleresques, et vous y trouverez de quoi régler tous vos mouvements.

— Nos mouvements ! vous les réglerez vous-même. Vous serez notre pilote.

— Il y en a donc deux ? s’écria une voix à deux pas.

Catherine alarmée poussa un cri et se leva précipitamment ; mais elle saisit le bras de son amant, comme pour s’assurer une protection. Barnstable, qui avait reconnu la voix de son contre-maître, jeta un regard courroucé sur Coffin, dont la tête et les épaules s’élevaient au dessus de la haie qui les séparait, et lui demanda ce que signifiait cette interruption.

— Voyant que vous étiez sur le côté, et craignant que vous ne vinssiez à échouer, capitaine, M. Merry a jugé à propos de vous envoyer un bâtiment de conserve. Je lui ai dit que vous examiniez sans doute le connaissement du navire auquel vous aviez donné la chasse ; mais comme il est officier, j’ai dû exécuter ses ordres.

— Retournez où je vous ai dit de rester, Monsieur, reprit le lieutenant, et dites à M. Merry d’attendre mon bon plaisir.

Coffin salua en marin obéissant ; mais avant de se retirer il étendit vers l’Océan un de ses bras nerveux, et dit avec un ton de solennité convenable à son caractère :

— Capitaine Barnstable, c’est moi qui vous ai appris à nouer le point des ris, et à passer une garcette ; car je crois que vous n’étiez pas même en état de nouer deux demi-clefs[1] quand vous arrivâtes à bord du Spalmacitty. Ce sont des choses qu’on peut apprendre aisément et en peu de jours ; mais il faut toute la vie d’un homme pour apprendre à prévoir le temps. Voyez-vous au large ces raies tracées dans le firmament ? elles parlent aussi clairement à tous ceux qui les voient et qui connaissent le langage

  1. Espèce de nœud usité dans la marine.