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réalisation pouvait seule le rendre au monde habité, et le ramener dans son pays auprès de Brigitte.

Cette nuit-là, nos marins dormirent plus profondément qu’ils ne l’avaient encore fait depuis la perte de leurs compagnons. Les deux jours suivants furent employés à consolider le navire. Bob réussit à faire un radeau très-convenable avec les espars de rechange, en sciant en deux les mâts de hune et les basses vergues, et en les aiguilletant fortement ensemble. Mais Marc imagina un moyen de descendre à terre les deux ancres à jet, sans avoir recours au radeau. Ces ancres étaient sur la poupe, et deux hommes pouvaient sans peine les suspendre aux bossoirs. Il avait remarqué que sur le bord du Récif, de même que dans toutes les autres parties de cette montagne volcanique, le roc s’élevait perpendiculairement comme une muraille, et que le bâtiment pouvait approcher jusqu’à sa base. D’ailleurs, dans tous les navires construits sur les chantiers de Philadelphie, à cette époque, l’étrave était très-élancée ; rien n’était donc plus facile que de filer du câble, de laisser le navire dériver vers l’île jusqu’à ce que les ancres se trouvassent suspendues au-dessus des rochers, puis ensuite de les laisser tomber. Tout cela fut exécuté de point en point, et le radeau fut réservé pour une autre occasion.

Malgré la facilité avec laquelle les ancres avaient été transportées, il fallut aux deux travailleurs une grande demi-journée pour les établir dans le roc à l’endroit précisément nécessaire. Mais aussi, quand ils eurent réussi, ils avaient obtenu une tenue meilleure encore que celle de la grande ancre. Les jas ne furent pas employés mais les ancres furent posées à plat sur le roc, l’une contre l’autre, de manière à ce que les pattes fussent enfoncées dans les crevasses de la lave, tandis que les verges sortaient par des cannelures naturelles. À l’organeau de chaque ancre furent amarrés trois cordages, retenus à égale distance par des pièces de bois, et le tout fut maintenu par une ligne régulière de traversins, établis le long des cordages de dix pieds en dix pieds, ce qui leur donnait partout le même niveau.