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bre et la force des navires des blancs semblaient leur assurer pour jamais la domination de ces mers.

La population de l’île Rancocus n’était que de cinquante âmes, compris les femmes et les enfants. Veiller au moulin, tailler des planches de toutes sortes, faire des briques et de la chaux en quantité suffisante pour les besoins des deux autres îles, telles étaient leurs occupations régulières. Le sol eût été assez fertile, mais on ne songeait pas à le cultiver ; la Marthe apportait chaque semaine les fruits et les légumes dont on pouvait avoir besoin. Les visiteurs s’informèrent de la situation des troupeaux qu’on avait lâchés en liberté dans les pâturages. Tout croissait et prospérait à faire plaisir et l’on prévoyait même un temps où il faudrait faire une chasse générale pour arrêter cette exubérance de population, surtout en ce qui concernait les porcs.

De l’île Rancocus la Marthe se rendit au Récif, qui fut inspecté dans toutes ses parties. Le système adopté par le gouvernement de la colonie, relativement à l’extension des établissements, était bien différent de celui qui se pratique en Amérique, où la population se dissémine sur une surface immense, ce qui rend les progrès de la civilisation rapides, mais très-imparfaits. Si les habitants des États-Unis étaient concentrés sur la moitié du territoire qu’ils occupent aujourd’hui il est hors de doute qu’ils seraient plus heureux, plus puissants, plus civilisés et moins grossiers dans leurs manières et dans leurs sentiments, bien que ce soit un crime de haute trahison de laisser soupçonner qu’ils ne soient pas arrivés au plus haut point de la perfection dans tous les genres. Mais il y a un juste milieu à garder dans l’accumulation de la population ; Marc Woolston avait étudié avec profit ce qui se passe en Europe, et la pratique était d’accord avec la théorie pour lui démontrer ce que toute force gagne à être concentrée. Aussi avait-il décidé que les habitations seraient groupées les unes près des autres. Quelques exceptions avaient dû être faites sur trois ou quatre points, à cause surtout de la pêche de la baleine. Le plus considérable de ces établissements isolés était la baie,