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qu’il lui faisait entreprendre des travaux qui pouvaient paraître d’une utilité secondaire ; il voulait lui créer de nouveaux besoins, pour qu’elle fût obligée de chercher les moyens de les satisfaire.

Le gouverneur avait raison : les goûts nous viennent par imitation, et alors ils nous dominent et nous maîtrisent. Le jardin colonial prit bientôt un aspect ravissant, qui dédommagea au centuple des peines qu’il avait données. Tous les colons, hommes et femmes, se piquèrent d’honneur, et il ne s’éleva pas une maison qu’on ne fît auparavant sauter le roc avec la mine, et qu’on ne traçât alentour un jardin. Le gouverneur ne s’en tint pas à ces essais d’horticulture. Avant de congédier les cinq cents travailleurs d’Ooroony, il avait, en plus de cent endroits au Récif, fait creuser de larges excavations, qu’on avait remplies d’engrais. Puis dans ces trous, devenus fertiles, on avait planté des arbres, principalement des cocotiers, qui pouvaient y trouver une nourriture suffisante.

Toute cette industrie avait métamorphosé complétement le Récif. Sans parler des maisons construites, des jardins dessinés et plantés dans l’intérieur de la ville, la surface entière de l’île n’était plus reconnaissable. Là où naguère on ne voyait que rocs nus et dépouillés, on trouvait maintenant une verdure fraîche, et des arbres montrant leur tête fleurie au milieu de prairies délicieuses. Quant à la ville elle-même, elle contenait environ vingt maisons, toutes fort modestes, et habitées principalement par des hommes dont l’industrie réclamait une position centrale. Ainsi, les commerçants durent nécessairement fixer leur résidence au Récif ; leurs magasins furent établis à proximité du rivage, et pourvus de grues et de tous les ustensiles ordinaires, pour décharger et embarquer leurs colis. Chaque habitation était peu éloignée du magasin. Comme ces colons étaient venus bien approvisionnés pour trafiquer avec les Indiens, ils faisaient des affaires considérables, et recevaient, en échange de leurs produits, des quantités considérables de bois de sandal.