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du Cratère un canot de vivres, afin d’entretenir avec eux des relations amicales ; ces porcs n’avaient pas encore changé entièrement de nature, cependant ils commençaient à se rapprocher sensiblement de l’état sauvage. Il y en avait alors près de deux cents, leur reproduction étant fort rapide. Il se trouvait aussi en ce moment au Cratère de grandes provisions, surtout de fer, venant de Canton, qui étaient livrées, sans résistance possible, à la merci des hordes de Waally.

Aussitôt que le gouverneur eut entendu ces détails, son parti fut pris. Il fit serrer le vent, pour passer le plus près possible de l’endroit où nageaient les Indiens : c’étaient des ennemis, c’étaient des sauvages, mais, avant cela, c’étaient des créatures humaines, et Marc ne pouvait se résigner à les abandonner au milieu de la mer. Après avoir couru quelques bordées, et louvoyé deux ou trois fois, les colons se trouvèrent au milieu des nageurs ; il n’était pas probable qu’il s’en fût échappé un sur dix, sans l’humanité de leurs ennemis. La Sirène mit à la mer trois du quatre canots, et les laissa aller à la dérive ; les Indiens, malgré la terreur que leur inspirait la vue du bâtiment, nagèrent de tous côtés vers ces canots de salut et n’hésitèrent pas à s’y réfugier.

Il y avait trois canaux par lesquels le Rancocus pouvait arriver au Cratère ; Marc choisit celui du nord, parce qu’il était le plus rapproché, et parce qu’on pouvait le suivre sans avoir besoin de louvoyer continuellement ; comme il connaissait maintenant sa position, il n’eut pas de peine à trouver le canal. Le gouverneur donna à la Sirène un équipage de douze hommes, et l’envoya vers les rades de l’ouest pour couper la retraite à Waally s’il tentait de s’échapper avec le butin fait au Cratère. Quant au Rancocus, au bout d’une heure, il fut en vue de la terre, et, au coucher du soleil, il jeta l’ancre dans les rades du nord, où il trouvait à l’abri du vent une profondeur suffisante. Le bâtiment y passa la nuit, le gouverneur ne se souciant pas de s’engager dans d’étroits passages pendant l’obscurité.