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peut pas exister sans la propriété, et que la propriété elle-même ne peut exister sans un intérêt direct et personnel, qui veille à son accumulation et à sa conservation. D’un autre côté, ces utopistes prétendaient que le travail en commun était préférable au travail individuel, et que cent hommes dont les individualités seraient comprimées en une seule, auraient plus de chances de bonheur et de moralité que s’ils restaient isolés comme ils le sont naturellement. Ils auraient pu avoir raison s’il leur avait été possible de faire que ces cent individus n’en fissent qu’un ; mais comme la chose était impossible malgré tous leurs efforts, il y aurait toujours eu cent individus, liés ensemble plus étroitement, peut-être, mais jouissant de bien moins de liberté que leurs semblables.

De tous les sophismes, le plus absurde est celui qui prétend que la liberté de l’individu s’accroît en raison de la puissance donnée à la masse. L’individualité, au contraire, est détruite en mille occasions par cette puissance telle qu’elle existe dans ce pays, où souvent un homme est persécuté parce qu’il n’agit ni ne pense comme ses voisins, en dépit de la protection que lui doivent les lois ; puissance terrible, vexatoire et tyrannique. Et la raison en est bien simple. Dans les pays où l’autorité est entre les mains de quelques hommes, si un individu résiste à leur injustice, la sympathie publique lui est acquise ; mais on est sans pitié pour l’homme qui se révolte contre la sentence d’une majorité. Son droit fût-il aussi clair que le jour, cette oppression résulte souvent moins de l’expression que du silence de la loi. La responsabilité trop divisée entraîne les plus graves abus, qui se commettent sans réflexion et sans remords.

Marc Woolston avait trop souvent médité sur ce sujet pour être la dupe de pareilles théories. Loin de s’imaginer que l’on ne savait rien avant les dix dernières années du dix-huitième siècle, il était de l’avis du sage « qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, » et, comme il faut faire la part des circonstances, il n’avait pas l’intention de gouverner le Cratère comme il eût gouverné la Pensylvanie ou le Japon. Mais il n’ou-