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plus tard, venait de la quantité de femmes qui étaient dans les canots. Waally, de plus, n’était pas sans armes à feu : il avait en sa possession une douzaine de vieux mousquets, et même une pièce de quatre. Les munitions, par exemple, étaient très-rares, et il n’avait que trois boulets pour son canon. Chacun avait déjà servi plusieurs fois dans les guerres contre Ooroony ; et, lorsqu’on les avait tirés, on courait des jours entiers pour les retrouver et les replacer dans le magasin du chef. Brown ne pouvait pas dire que ces boulets eussent jamais fait beaucoup de mal, étant tirés fort au hasard, et à des distances énormes. Il y a un demi-siècle, les chrétiens connaissaient très-imparfaitement l’art de pointer un canon ; qu’y a-t-il d’étonnant à ce que des sauvages ne sachent que fort mal, ou point du tout, se servir de ces terribles armes ? Ce qu’il fallait redouter, disait Brown, c’étaient les lances et les massues, dont les insulaires faisaient usage avec une adresse merveilleuse ; et, par-dessus tout, c’était cette effrayante disproportion de forces.

Quand Brown apprit que le schooner était bientôt prêt à être lancé, il pria instamment le gouverneur de lui permettre d’y travailler avec Bigelow, afin qu’on pût le mettre à flot immédiatement. Il y avait à bord du schooner tout ce qui peut être nécessaire à une croisière, jusqu’à la provision d’eau douce. Les arrangements étaient pris de façon à le lancer avec ses voiles enverguées, une fois à l’eau, il devenait un puissant auxiliaire de la défense. En mettant les choses au pire, ils pouvaient se réfugier tous à bord du schooner ; et, en louvoyant à travers les passages laissés libres par les canots, gagner le large. Une fois là, Waally ne pouvait plus les atteindre, et ils agiraient suivant les circonstances.

Woolston avait une autre manière de voir. Il aimait le Récif : ce lieu, où il avait souffert, où il avait retrouvé des amis, lui était devenu cher ; il ne pouvait se faire à l’idée de l’abandonner. Le bâtiment était une propriété précieuse que le feu des sauvages n’épargnerait pas pour en tirer le métal, c’était sur ce bâtiment qu’il s’était embarqué ; c’était sur son bord qu’il avait