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un établissement, il était impossible que tôt ou tard une collision n’éclatât pas entre deux colonies si rapprochées. On ne tarderait pas à se rendre compte, au milieu des collines de l’île Rancocus de ce que c’était qu’un écho ; et alors cette sorte de prestige mystérieux qui s’attachait au Récif s’évanouirait. Le premier vagabond qui déserterait de quelque bâtiment, pourrait se donner de l’importance en expliquant ce prétendu phénomène, et engager les Indiens à renouveler leur tentative. En un mot, il paraissait certain que les hostilités recommenceraient avant six mois, si Waally restait si proche d’eux ; aussi Marc posa-t-il sérieusement cette question S’il valait mieux poursuivre l’avantage déjà obtenu, et profiter de la panique des naturels pour les refouler dans leurs îles, ou bien rester cachés derrière cette sorte de mystère qui, jusqu’à présent, les enveloppait ? Ces divers points furent gravement débattus, et furent l’objet de discussions tout aussi intéressantes pour les colons que jamais la question des banques, de l’abolitionisme, de l’antimaçonnerie ou du libre échange, purent jamais l’être en Amérique. Bien des conseils furent tenus pour décider cette grande question politique qui, comme il arrive presque toujours, fut tranchée par la force des circonstances plutôt qu’élucidée par les déductions rigoureuses de la raison humaine. Dans l’état de faiblesse de la colonie, on ne pouvait songer à une guerre agressive. Waally avait des forces trop redoutables à sa disposition pour être attaqué par une douzaine d’ennemis. Il fallait du moins attendre que l’Ami Abraham pût faire entendre sa voix d’airain en leur faveur. Une fois en possession de ce bâtiment, Marc ne désespérait pas de forcer Waally à battre en retraite, peut-être même à le renverser pour replacer Ooroony à la tête des naturels. C’était donc à finir et à lancer le schooner qu’il fallait songer avant tout et après une semaine d’incertitudes et de délibérations, on résolut de s’y mettre avec ardeur.

Dans les circonstances actuelles, c’était une entreprise qui avait besoin d’être concertée avec autant de prudence que d’adresse. On ne pouvait envoyer des travailleurs au Récif sans