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Mais Peters l’avait déjà précédé, et on l’entendit pousser un cri en se précipitant au-devant d’une seconde personne qui venait de sortir du canot, et qui accourait à lui en bondissant comme une gazelle. Il n’y eut qu’une voix pour s’écrier que ce ne pouvait être que Peggy, la femme indienne du pauvre Peters. C’était bien elle en effet, et après un temps convenable consacré aux larmes, aux transports dé joie et aux caresses des deux époux, Peters, qui partait assez bien la langue de sa femme, reproduisit ainsi les explications qu’elle lui avait données.

Il paraît qu’après l’évasion de Jones et de son mari, les hostilités entre Ooroony et Waally avaient recommencé avec plus d’ardeur que jamais. La fortune, comme cela lui arrive assez souvent, fut inconstante, et cette fois ce fut Waally qu’elle favorisa. Son ennemi, battu sur tous les points, fut refoulé dans une des plus petites îles du groupe, où ce qui lui restait de compagnons fidèles se réunirent autour de lui. Maître de ses actions, Waally revint à son projet de poursuivre les blancs qu’on avait vus se diriger vers le sud avec tant d’objets précieux, et en même temps d’étendre ses conquêtes en prenant possession de la montagne qu’il avait visitée l’année précédente. Il prépara donc une grande expédition, et cent canots venaient de mettre à la voile, montés par plus de mille guerriers.

Le frère de Peggy, Uncus, guerrier de quelque renom, avait dû se joindre à ses compagnons, et sa sœur avec une cinquantaine d’autres femmes avait trouvé moyen de les accompagner. Pour effectuer cette entreprise, la plus importante de celles qui avaient signalé sa turbulente carrière, Waally avait attendu la saison la plus favorable de l’année. Tous les étés, il y avait une période de quelques semaines pendant laquelle les vents alizés soufflaient avec moins de violence qu’à l’ordinaire, et où même il n’était pas rare d’avoir des changements de vent, ainsi que de légères brises. Les Indiens le savaient parfaitement, car c’étaient de hardis navigateurs, si l’on considère les dimensions et les qualités de leurs embarcations. Le voyage jusqu’à l’île Rancocus, distance d’au moins cent lieues, s’était effectué sans