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C’était l’habitude de nos colons de quitter l’île Rancocus au moment où le soleil allait se coucher, et Bob s’était conformé à l’usage. Aussi n’avait-il pas eu le temps de faire beaucoup de chemin quand la nuit fut tout à fait close, et lui permit de suivre la direction qu’il lui plairait, sans craindre les observations, d’autant plus que la lune ne s’était pas levée. Il revint alors sur ses pas, et comme il avait à lutter contre le vent, il lui fallut deux ou trois heures pour regagner le terrain perdu. Enfin, vers onze heures, la Neshamony avait doublé la pointe septentrionale de l’île, et elle rangeait la côte. Il n’y avait point de feux allumés qui pussent indiquer où était le camp des sauvages, mais Bob était intrépide, et il voulut à tout prix obtenir les renseignements qu’il cherchait. Il amena les voiles et vint aborder au lieu de débarquement ordinaire. Il savait que les canots avaient choisi une autre rade moins sûre. Alors il mit pied à terre, et se glissa le long des rochers dans la direction où devaient être les naturels.

Mais Bob était surveillé lui-même à son insu, et au moment où il rampait sous des buissons pour approcher davantage, il sentit une main sur son épaule. Bob s’apprêtait à faire un mauvais parti à celui qui l’arrêtait, quand ces paroles lui furent adressées en très-bon anglais :

— Où allez-vous, camarade ?

Cette question était faite à voix basse, ce qui fut pour Bob un nouveau motif de sécurité. C’étaient les deux hommes qu’il avait pris, assez justement, pour des matelots, qui s’étaient cachés dans ces broussailles, sans doute pour surveiller les mouvements de la pinasse. Ils dirent à Bob de ne rien craindre, que les sauvages étaient endormis à quelque distance, et ils l’accompagnèrent à bord de la Neshamony.

Leur arrivée amena une scène de reconnaissance qui causa une joie générale. Ces deux matelots avaient servi sur le même bord que Bigelow, et de plus ils étaient du même village. Leur histoire offrait de grands points de ressemblance. Tous trois étaient venus sur un baleinier, dont le capitaine était un ivrogne,