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maladie dans les villes du nord, mais alors elle faisait de grands ravages. Les médecins ne s’accordaient nullement sur le traitement qu’il fallait suivre ; il y avait le parti des excitants et celui des calmants. Le docteur Woolston était le chef d’un des partis, le docteur Yardley celui de l’autre. Qui des deux avait raison ? c’est ce que nous n’entreprendrons pas de décider ; nous pencherions assez à croire que tous deux avaient tort. Il n’y avait pas longtemps qu’Anne Woolston avait épousé un jeune médecin, quand cette nouvelle rupture éclata à l’occasion de la fièvre jaune. Son mari, qui s’appelait Heaton, eut le malheur d’être sur cette grave question d’un avis opposé à celui de son beau-père, ce qui amena du froid entre eux. D’un autre côté, le docteur Yardley ne pouvait donner complétement raison au gendre du docteur Woolston, et il modifia légèrement sa théorie pour motiver son dissentiment ; de sorte que le pauvre M. Heaton se trouva avoir tout le monde à dos, parce qu’il avait eu le courage de persister dans son opinion.

Toutes ces circonstances, jointes à l’absence prolongée de Marc, rendaient Brigitte et Anne très-malheureuses. Mistress Yardley était morte depuis quelques mois. Pour comble d’infortune, le docteur Yardley se mit dans la tête de contester la légalité d’un mariage qui avait été célébré à bord d’un bâtiment. Il avait une grande influence dans le comté, et il ne désespérait pas d’en venir à ses fins. Il poussa les choses jusqu’à commencer une procédure au nom de Brigitte, et à demander une séparation légale. Ses raisons étaient que le mariage n’avait pas été consommé, que la cérémonie avait eu lieu dans une cabine, que la fiancée n’était alors qu’une enfant, et que c’était une héritière. En effet, ce qui ajoutait à l’acharnement du docteur, s’il faut en croire quelques personnes charitables, c’est que Brigitte avait fait un nouvel héritage. Une autre parente venait en mourant de lui laisser cinq mille dollars. Et il verrait passer encore toutes ces richesses dans une famille qu’il détestait ! Non, il accumulerait plutôt procès sur procès, et il parviendrait à faire prononcer le divorce, ou, plutôt, qu’était-il besoin de divorce ? il ferait