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anciens écueils, changés maintenant en terre ferme. C’était donc là que le Rancocus s’était, à l’insu de ses officiers, engagé pour la première fois au milieu de ces bas-fonds dont, depuis ce moment, il avait toujours été entouré !

Il n’était pas facile de calculer la distance exacte entre la passe qui conduisait au Havre Ovale et le Cratère. Marc, à la vue, ainsi qu’au temps qu’il avait mis à la franchir, l’estimait à vingt-cinq milles en ligne directe. Le Sommet n’était plus visible, non plus que les mâts du bâtiment ; mais le Pic lointain et l’épaisse colonne de fumée se montraient toujours à l’horizon. Il pouvait y avoir une heure que le jeune marin était en pleine mer, s’éloignant graduellement de terre pour éviter la côte, quand il songea au retour. Il fallait un grand sang-froid pour gouverner dans la direction des rochers afin de trouver le passage qu’il devait suivre.

Le vent fraîchissait, et Marc dut prendre des ris. Le bruit que produisaient les vagues en se précipitant contre des rocs perpendiculaires, est plus facile à concevoir qu’à décrire. C’était, tout le long de la côte, un mugissement continuel produit par cet éternel conflit des éléments ; et lorsqu’une lame entrait dans une caverne de manière à en chasser l’air tout à coup, on eût dit le cri de rage ou d’agonie de quelque animal monstrueux. L’écume jaillissait au loin, et le mur de granit en était couvert dans toute son étendue.

Marc n’avait pas songé à prendre sur la côte quelques points de reconnaissance pour retrouver sa route, il lui avait semblé que rien ne serait plus-facile. Il ne lui restait d’autre ressource que de chercher un endroit où la ligne d’écume fût interrompue. Ce qu’il se rappelait néanmoins, c’était que le passage n’était pas perpendiculaire, mais oblique à la côte, et il était possible d’en être à cent verges sans l’apercevoir. Il n’en resta que trop convaincu lorsque, s’étant approché de la côte autant qu’il le pouvait sans danger, il ne put découvrir le passage désiré. Il le chercha pendant une heure en courant des bordées dans tous les sens, mais sans plus de succès. Passer la nuit en pleine mer, au