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bras de mer qui entourait le Récif, et qu’il avait nommé le Bracelet, — car le jeune solitaire aimait à donner ainsi des noms à tout ce qu’il voyait ; c’était comme une sorte d’entretien qu’il avait avec lui-même ; — il était arrivé cette muraille de lave qui fermait le bassin, et de là il avait marché à pied sec le long de ces mêmes écueils à travers lesquels il avait navigué si récemment à bord de la Brigitte. Cependant cette passe étroite par laquelle il avait ramené le Rancocus existait encore, mais les deux bouées qui en marquaient les limites étaient à sec sur le roc.

Pendant deux jours, Marc alla en avant dans cette direction, pénétrant jusqu’à l’endroit où il avait mis en panne dans sa croisière sur la Brigitte, autant du moins qu’il était possible de calculer la distance. Les terrains de nouvelle formation avaient le même caractère qu’il avait trouvé dans la direction opposée. De vastes étangs, des lacs d’eau salée, des dépôts de sable et de limon d’une étendue considérable, et de temps en temps une crête de rocher qui s’élevait de quinze à vingt pieds, en étaient les traits saillants. Comme les obstacles se multipliaient à mesure qu’il avançait, il se décida, dans l’après-midi du second jour, à ne pas aller plus loin, bien décidé à revenir en bateau pour reconnaître s’il ne pouvait pas à présent gagner la pleine mer du côté du vent.

Quatre jours après cette grande convulsion de la nature qui avait si complétement changé l’aspect des lieux, Marc se mit en route sur la Brigitte. Il gouverna au vent, sortant du Bracelet par une passe étroite qui le conduisit dans un bras de mer qui se dirigeait presque en droite ligne vers le nord-est. Ce bras de mer pouvait avoir un demi-mille de largeur, et presque partout il y avait assez d’eau pour porter le plus grand navire. Il n’était pas impossible que par ce passage un bâtiment pût arriver jusqu’au bord du Récif, et malgré le peu de chances qu’un pareil événement se réalisât jamais, c’était une idée à laquelle le pauvre ermite éprouvait un grand bonheur s’attacher.

Il donna donc à cette passe le nom de Canal de l’Espérance.