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pères exerçaient la même profession, c’était un motif de plus pour elles de rester étroitement unies. Elles pouvaient avoir deux ou trois ans de moins que Marc mais elles étaient déjà grandes, et aimantes et bonnes autant qu’on peut l’être. Toutes deux étaient jolies, chacune à sa manière. Anne avait des traits fins, de vives couleurs, de belles dents et une bouche charmante ; Brigitte avait tout cela, et, de plus, de l’expression. On ne pouvait rien voir de plus doux, de plus gracieux que la figure de Brigitte, au repos ; mais rien de plus enjoué, de plus folâtre, de plus ardent ou de plus tendre, suivant les impressions qui faisaient battre son jeune cœur. C’était Marc qu’on envoyait presque toujours chercher sa sœur, lorsqu’elle allait voir son amie, et il était naturellement admis en tiers dans leur intimité. D’abord, il fut convenu que Marc serait le frère de Brigitte comme il était celui d’Anne. Brigitte était fille unique, et il était bien juste de chercher à réparer les torts de la fortune. Brigitte déclara que de tous les jeunes gens de Bristol, Marc était celui qu’elle préférait avoir pour frère et puis c’était si gentil d’avoir le même frère qu’Anne. Malgré cette excursion dans le domaine du romanesque, Brigitte était pleine de raison, et susceptible du plus tendre dévouement, sans tomber dans l’exagération. Franche et vraie dans toute sa conduite, et adoptant Marc pour son frère, elle cédait à un mouvement de sympathie naturelle, sans en comprendre la portée ni l’origine. C’était avec Anne des dissertations à n’en pas finir sur leur frère, sur ce qu’il fallait qu’il fît, et sur l’appui qu’elles pouvaient lui donner. La véritable sœur était moins active que son amie, d’esprit et de corps ; et elle écoutait tous ces projets avec une douce tranquillité, qui n’était pas exempte d’étonnement.

Le résultat de toutes ces entrevues fut de faire naître entre Marc et Brigitte une passion beaucoup plus profonde qu’on n’aurait pu le croire dans d’aussi jeunes cœurs, passion qui devait se refléter sur toute leur vie. Marc comprit pour la première fois la force de cet attachement, quand il perdit les Caps de vue, et qu’il se figura la chère enfant parlant avec sa sœur de