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qu’il réfléchit qu’il fallait qu’il fût tout à la fois son médecin et sa garde-malade. Pendant quelques minutes, il resta tranquille, occupé à remercier Dieu de lui avoir au moins conservé la vie jusqu’au retour de sa raison. Alors il se mit à songer, autant que sa faiblesse le lui permettait, à ce qu’il avait à faire. Sur une table de la cabine, qu’il pouvait voir de son lit, à travers la porte, était une cave à liqueurs qui contenait plusieurs espèces de vins, de l’eau-de-vie et du genièvre. Notre jeune ami savait qu’il s’y trouvait d’excellent vin de Porto, qui était spécialement destiné aux malades. Il pensa qu’il serait tiré d’affaire s’il pouvait en boire quelques cuillerées. Mais comment y parvenir ? Il fallait trouver la clef, ouvrir la cave, verser le vin, trois opérations dont la plus facile semblait être encore tout à fait au-dessus de ses forces.

La clef de la cave était dans le tiroir d’un secrétaire ouvert, qui, par bonheur, était placé entre la table et lui. Il fit un nouvel effort pour se lever, et cette fois du moins il réussit à se mettre sur son séant. La brise qui se faisait sentir dans la cabine le ranima un peu, et il put étendre la main et tourner le robinet de la fontaine filtrante que, dans son accès de fièvre, il avait approchée de son lit. Une seule gorgée d’eau lui fit plus de bien qu’il ne l’aurait cru possible. Près du verre dont il s’était servi, il y avait un reste de biscuit de mer, qu’il y trempa. Il voulut alors essayer de se tenir sur ses jambes, mais il fut pris d’une sorte de vertige qui le fit retomber sur son lit. Revenu à lui, il fit, au bout de deux minutes, une seconde tentative, qui fut plus heureuse, et le pauvre diable, en s’appuyant contre les murs, et en se traînant de chaise en chaise, parvint au secrétaire. Il prit la clef, arriva jusqu’à la table ; mais alors ses forces étaient épuisées, et il tomba sur un fauteuil sans connaissance. Il était en chemise, et la brise rafraîchissante de la mer produisit sur lui le même effet que s’il avait pris un bain. Il reprit peu à peu ses sens, ouvrit la cave, eut besoin de faire usage de ses deux mains pour en tirer le flacon, quoiqu’il fût presque vide, et en versa quelques gouttes. C’était à peine s’il lui restait