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vraiment en présence des grandes vagues de l’Atlantique. On pouvait dire qu’en cet instant le vaisseau mettait à la voile pour la première fois.

Le Lion de Mer manœuvrait bien. Il avait été construit avec l’idée d’en faire un vaisseau à la fois commode pour l’équipage et bon voilier. Il y avait dans sa coque une juste proportion, qui le rendait éminemment propre à la navigation.

Comme le vent était au sud-ouest, le schooner fut orienté au plus près un peu largue, aussitôt qu’il eut relevé droit de l’avant le phare de Montauk. Il se dirigea ainsi vers le sud-est, un peu à l’est. Comme le temps paraissait fixé, et qu’il n’y avait aucun signe de changement, Gardiner descendit, laissant le commandement à l’officier de quart, avec ordre de l’appeler au lever du soleil. La fatigue eut bientôt exercé son influence sur le jeune homme, et il dormit aussi profondément que s’il ne venait point de quitter pour deux ans une maîtresse qui lui inspirait plus que de l’amour, presque de l’adoration.

Le capitaine du Lion de Mer fut réveillé à l’heure précise qu’il avait indiquée. Cinq minutes suffirent pour qu’il fût sur le pont, où il trouva tout comme il l’avait laissé, à l’exception du schooner lui-même. Pendant les six heures que Gardiner avait passées dans sa cabine, son vaisseau avait fait près de quarante milles. On n’apercevait plus de terre, car la côte américaine est très-basse et n’a rien de pittoresque à l’œil. Ce que le meilleur patriote, s’il a quelque connaissance d’autres parties du monde, doit être forcé d’admettre. Une longue côte monotone, qu’on aperçoit à peine à la distance de cinq lieues, n’est assurément pas comparable aux magnifiques rivages de la Méditerranée, par exemple, où la nature semble s’être épuisée elle-même à réunir la beauté à la grâce. Sur ce continent, du moins dans la partie que nous en habitons, nous devons nous tenir satisfaits de l’utile et n’avoir aucune prétention au beau ; les rivières et les baies, par les admirables facilités commerciales qu’elles nous procurent, nous offrent d’assez grandes compensations de cette monotonie et de cette tristesse de nos côtes. Nous disons ceci en passant, parce qu’un peuple qui ne comprend pas sa position relative à l’égard des autres