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avec le soleil. Pour le retour, on aurait à lutter contre vent et marée, et il faudrait toute sa connaissance des remous pour conduire le bateau baleinier à Oyster-Pond en temps raisonnable. L’armateur, ainsi pressé par Baiting Joe, s’arracha de son vaisseau bien-aimé en faisant au jeune Gardiner autant de recommandations dernières que si celui-ci allait être exécuté. Roswell avait aussi une dernière recommandation à lui faire, et celle-là était relative à Marie.

— Répétez à Marie, diacre, dit le jeune marin en le prenant à part, que je me fie à sa promesse et que je penserai à elle, soit sous le soleil brûlant de la Ligne, soit au milieu des glaces du pôle antarctique.

— Oui, oui, c’est comme cela qu’il faut que ce soit, reprit le diacre avec une certaine cordialité. J’aime votre persévérance, Gar’ner, et j’espère que la jeune fille finira par se rendre, et que vous serez mon neveu. Il n’y a rien qui séduise les femmes comme l’argent. Remplissez le schooner de peaux et d’huile, et rapportez le trésor, et vous êtes aussi sûr d’avoir Marie pour femme que si le ministre vous avait déjà donné la bénédiction.

Voilà comme le diacre Pratt jugeait sa nièce et toutes les femmes. Pendant plusieurs mois, il regarda ce discours comme un coup de Maître, tandis que Roswell l’eut oublié au bout d’une demi-heure, tant l’amant comprenait mieux que l’oncle le caractère de la nièce.

Le Lion de Mer avait maintenant rompu le dernier lien qui l’attachait à la terre. Il n’avait point de pilote, aucun n’étant nécessaire dans ces eaux ; tout ce qu’un vaisseau avait à faire était de se tenir assez au large de Long-Island en doublant l’extrémité orientale de l’île. Le bateau fut embarqué près de Gardiner’s-Island, et il n’y eut plus qu’un lien moral qui attachât les hardis aventuriers à leur patrie. Il est vrai que le Connecticut, et ensuite Rhode-Island étaient encore visibles d’un côté, et une petite partie de New-York d’un autre mais à mesure que l’obscurité augmentait, ce dernier rapport se rompait aussi. Le phare de Montauk fut pendant plusieurs heures le seul fanal de ces intrépides marins, qui en firent le tour vers minuit environ, et ils se trouvèrent alors