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dans une famille où l’on n’a pas les mêmes sentiments en religion ? Je ne crois pas que vous ayez assez réfléchi à la nature de ces choses.

— Je ne croyais pas, Marie, que vous eussiez des idées aussi peu généreuses. Si le diacre en avait dit autant, je n’aurais pas été surpris ; mais vous, me dire que mon Dieu n’est pas votre Dieu ! il y a là quelque chose d’étroit.

— N’est-ce pas la vérité, Roswell ? Et s’il en est ainsi, pourquoi chercher à la dissimuler ? Je crois au Rédempteur, au Fils de Dieu, l’une des personnes de la Trinité, tandis que vous ne croyez qu’en un homme juste et sans péché, à la vérité, mais qui est simplement un homme. Or, n’y a-t-il pas une différence énorme entre ces deux croyances ? N’y a-t-il pas là réellement la différence qui existe entre Dieu et l’homme ?

— En savons-nous assez sur ces questions, Marie, pour qu’elles forment un obstacle à notre bonheur ?

— Nous avons appris qu’elles étaient essentielles à notre bonheur, non pas dans le sens que vous voulez dire, Roswell, mais dans un sens plus élevé, et nous ne pouvons montrer à cet égard une indifférence coupable sans en être punis.

— Je crois, chère Marie, que vous portez ces idées-là trop loin, et qu’il est possible pour un mari et une femme de s’aimer tendrement, et d’être heureux ensemble, sans penser tout à fait de même en religion. Combien voyons-nous de femmes bonnes et pieuses, qui jouissent d’un vrai bonheur comme épouses et comme mères, et qui sont membres d’un meeting, tandis que leurs maris ne professent aucune religion.

— Cela peut être vrai. Je n’ai pas la prétention de juger personne. Des milliers de jeunes filles se marient sans se rendre compte de devoirs qu’elles croient respecter ; et puis, dans la suite de leur vie, lorsque leurs convictions sont devenues plus profondes, elles ne peuvent plus rompre les liens qu’elles ont formés. Il en serait autrement d’une jeune femme, qui, pénétrée du sentiment chrétien, deviendrait, de propos délibéré, et en parfaite connaissance de cause, la femme de celui qui regarde Dieu comme un homme, un homme pur, un homme sans péché, peu importe