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teur qui se dirigeait vers le quai, où toutes les créatures humaines pour lesquelles il était à peu près convenable de se trouver là étaient réunies en foule. En comptant les enfants et les femmes, il ne devait pas y avoir moins de cent personnes sur le quai, et parmi elles se trouvaient la plupart des parents pleins de sollicitude qui entouraient le propriétaire du vaisseau à ses derniers moments.

Baiting Joe était un oracle dans de telles circonstances. Il avait passé sa jeunesse sur mer, ayant souvent doublé le cap Horn. Tous ceux qui pouvaient approcher de lui le consultaient.

— Voilà le bateau, dit Joe, affectant d’appeler le schooner par ce petit nom, comme pour lui donner une marque d’intérêt. Oui, mais comme il enfonce dans l’eau ! ne pensez-vous pas, Jim, qu’il porte quelque chose de plus lourd que des peaux pour être si bas dans la mer ?

Jim était un autre pêcheur, mais un humble pêcheur d’huîtres, dont l’autorité n’égalait point celle de Joe.

— Je n’ai rien vu de pareil, dit Jim.

— C’est lui ! s’écria Joe, le capitaine Gar’ner lui-même, vivant et en bonne santé ! le voilà sur le pont !

Une petite fille partit emportant, cette nouvelle, et elle en eut bientôt fait part à Marie, qui pleurait de joie. Une heure après, Roswell la serrait dans ses bras, car il eût été impossible à la femme la plus scrupuleuse d’affecter dans un tel moment de la froideur ou de la réserve. Au moment où Roswell pressait Marie, contre son cœur, il murmura à ses oreilles la bonne nouvelle de son humble soumission à la foi qui proclame le Christ Fils de Dieu. La douce et charmante fille connaissait trop bien la sincérité et la franchise du caractère de son amant pour douter en rien de ce qu’il disait. Ce moment fut le plus heureux de son innocente vie.

Mais la nouvelle était arrivée au diacre, et avant que Roswell eût eu le temps de donner d’autres explications à Marie, l’un et l’autre furent appelés au chevet du mourant. L’état de surexcitation où se trouvait le diacre l’avait tellement ranimé, que ses héritiers commençaient à regretter d’être venus si tôt. Marie Pratt