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conduisait à la chambre à coucher. Elle alla trouver le vieux pêcheur, qui se tenait près d’une fenêtre dont la vue donnait sur l’est, et qui, par conséquent, était en face de Gardiner’s-Bay.

— Le voilà ! mademoiselle Marie, dit Joe, en montrant la fenêtre, et toute sa figure portait la vive empreinte de la joie et du whiskey, le voilà ! Il faut le dire sur-le-champ au diacre, afin que ses derniers moments soient plus heureux. Le voilà ! je l’ai reconnu sur-le-champ !

Marie aperçut un vaisseau qui se dirigeait vers Oyster-Pond, et l’habitude qu’elle avait de voir toute sorte de navires était telle qu’elle vit tout d’abord que c’était un schooner ; mais il y avait si longtemps qu’elle n’espérait plus revoir le Lion de Mer, qu’il ne lui parut pas possible que ce fût le navire qu’on n’attendait plus.

— Que me montrez-vous là, Joe ? demanda-t-elle toute surprise et avec une parfaite innocence.

— Ce navire, le Lion de Mer, qu’on a depuis si longtemps regardé comme perdu, mais qui revient au moment où son armateur va quitter cette terre.

Joe parla pendant quelques minutes, la tête et la moitié du corps penchées en dehors de la fenêtre Marie ne l’interrompait pas ; elle s’était affaissée sur une chaise, pour ne pas tomber sur le plancher. L’aimable fille reprit un peu de pouvoir sur elle-même, et il lui fut possible de parler.

— Joe, dit-elle, vous n’en êtes pas sûr ; ce schooner ne me paraît point semblable au Lion de Mer.

— Cela est vrai dans certaines choses, tandis que dans d’autres c’est le même vaisseau. Ses œuvres hautes sont étrangement défigurées ; mais jamais aucun autre schooner de cette espèce ne vient de ce côté, et je n’en connais pas qui puisse venir. Voilà le pavillon que j’ai aidé à faire de mes propres mains, et qui devait servir de signal au diacre ! Il n’y a plus de doute maintenant.

Joe aurait pu parler longtemps sans craindre d’être interrompu ; Marie avait couru dans sa chambre, le laissant la tête et le corps en dehors de la fenêtre, faire toutes ses conjectures,