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être plusieurs années, si le funeste génie de l’avarice n’avait entretenu le mal qui le rongeait. Quoi qu’il en fût, son état empirait de jour en jour, et l’habile docteur Sage ne cachait point à Marie combien il était peu probable que son oncle et son protecteur eût encore longtemps à vivre.

Rien n’est plus merveilleux que de voir à quel point les parents d’un homme riche s’intéressent à lui lorsqu’il va mourir. On savait que le diacre avait une petite fortune, et l’on croyait qu’elle s’élevait à trente ou quarante mille dollars ; ce qu’on regardait comme de la fortune, il y a trente ans, dans le comte de Suffolk, et tous ceux qui, dans le comté, pouvaient faire valoir le moindre titre de parenté avec le diacre, commençaient à entourer son lit. Dans ce moment de sollicitude générale dont le diacre était l’objet, Marie Pratt, qui l’avait soigné avec tant de dévouement, semblait n’être plus qu’une indifférente. D’autres qui étaient au même degré de consanguinité qu’elle-même à l’égard du mourant, et deux parents, un frère et une sœur, qui se trouvaient d’un degré plus rapprochés, avaient leurs prétentions, et ne paraissaient point disposés à y renoncer.

Marie aurait été heureuse de prier près du chevet de son oncle ; mais le ministre Whittle s’était emparé de cette fonction, attendu qu’un homme qui avait si longtemps exercé la charge de diacre ne pouvait quitter ce monde sans qu’on remplît à son égard toutes les formalités usitées dans le meeting. Quelques-uns des parents qui n’avaient paru que depuis peu, et qui ne savaient pas comment les choses se passaient entre le diacre et le ministre, se plaignaient des allusions trop fréquentes que faisait ce dernier aux besoins pécuniaires de la congrégation, et de la demande à peu près directe qu’il avait adressée au diacre d’un legs qui permît au ministre de faire peindre le temple, acheter quelques poêles d’un nouveau modèle, et remettre à neuf les murs du bâtiment. Cette modeste requête, murmurait-on, car tout se passait alors en murmures, n’aurait coûté qu’un millier de dollars de la fortune péniblement amassée par le diacre.

Le siège que le diacre Pratt eut à soutenir pendant la dernière semaine de sa vie fut opiniâtre. Il reçut, sous bien des formes, le