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— Nous avons déjà une cargaison plus considérable que nous ne pourrions l’emporter. Il nous faudra abandonner la moitié de nos peaux et toute notre huile. La cale du schooner est trop étroite pour renfermer la cargaison complète d’un voyage. Je formerai le lest du navire avec de l’eau et des provisions, et je remplirai de nos meilleures peaux ce qu’il y aura de place ; il faut abandonner tout le reste.

— Pourquoi l’abandonner ? Laissez ici un ou deux hommes d’équipage pour le garder, et envoyez un vaisseau le chercher dès que vous serez de retour. Laissez-moi ici, Gar’ner, je suis prêt à rester.

Roswell pensait que le pauvre homme resterait dans l’île, bon gré mal gré, car les symptômes qui sont reconnus comme funestes dans l’état où se trouvait Dagget, devenaient tellement significatifs qu’ils rendaient le doute à peu près impossible. Ce qui faisait encore ressortir cette puissance qu’une passion dominante exerçait jusqu’au dernier moment sur le malade, c’est que Roswell avait causé plusieurs fois avec lui sans lui cacher sa position, et que Dagget avait reconnu le danger de mort où il se trouvait ; Stimson avait souvent prié pour Dagget, et Roswell lui avait lu des chapitres de la Bible à sa propre demande ; ce qui devait donner à penser que l’homme du Vineyard pensait plus à sa fin prochaine qu’à aucun intérêt de cette vie. Il en avait été ainsi tant qu’on ne lui avait point parlé du retour des veaux marins.

Mais la grande préoccupation qui absorbait toutes les pensées était la reconstruction du Lion de Mer. Quoique ce long dégel fût très-favorable à nos marins, il ne faudrait pas que le lecteur le regardât comme un gage de cette chaleur dont on jouit au mois de mai dans une zone tempérée. Il n’y avait point de fleurs, point d’indices de végétation, et dès que le vent du nord cessait de souffler, il y avait gelée. Deux ou trois fois, le froid mordit assez fort pour que l’on pût croire au retour de l’hiver, et, à la fin de la troisième semaine de beau temps, un coup de vent, qui venait du sud, amena de la neige et de la glace. L’orage commença à une heure du matin, et, avant le coucher du soleil, les jours étant alors très-longs, tous les passages qui se trouvaient