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temps n’était pas encore assez rigoureux pour forcer Roswell et Stimson à chercher un abri. Tous deux se figuraient qu’il y avait dans l’air comme un souffle du printemps.

— Il faut, dit Roswell, savoir ce que sont devenus les gens du Vineyard. Un mois s’est passé depuis que nous n’avons eu de leurs nouvelles.

— C’est une triste chose que cette séparation, capitaine Gar’ner ; répondit le patron, et chaque heure la rend plus triste. Pensez au bien qui serait résulté pour ces jeunes gens, s’ils s’étaient trouvés avec nous, lorsque nous avons lu le livre des livres le soir et le matin !

— Ce bon livre semble remplir vos pensées, Stimson ; je voudrais qu’il me fût possible d’avoir votre foi.

— Cela viendra, Monsieur, pourvu que vous fassiez quelques efforts. Je ne sache pas qu’il y ait eu un cœur plus dur que ne l’était le mien il y a environ cinq ans. J’étais plus mauvais chrétien, capitaine Gar’ner, que vous ne l’êtes aujourd’hui. Mon seul dieu était le monde, et le monde tel qu’un pauvre matelot peut le connaître. Ce n’était pas être beaucoup au-dessus de la brute.

— De tous les hommes d’équipage, vous paraissez le plus content et le plus heureux. Je ne puis dire que je vous aie vu manifester aucun symptôme de crainte lorsque les choses ont été au pis.

— Il serait ingrat de ma part, Monsieur, de me défier d’une Providence qui a tant fait pour moi.

— Je désirerais du fond du cœur croire avec vous que Jésus était le Fils de Dieu !

Malgré le froid qui n’avait cessé d’augmenter, Roswell était resté sur la terrasse, même après que Stimson l’avait quitté. Un magnifique spectacle se déroulait devant ses regards, celui d’une nuit polaire, et d’un ciel dont les étoiles brillaient comme des soleils. Roswell sentait sa propre faiblesse et la grandeur de Dieu ; il s’inclinait devant cette grandeur, il sentait à quel point il dépendait de cette toute-puissance. Tout ce que Marie lui avait souvent dit lui revenait à la pensée, et les sages paroles de Stimson faisaient fructifier dans son cœur ces germes de la foi