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hier matin un tonneau vide de porc salé pour faire le feu de la cambuse.

— Nous verrons, nous verrons, Gar’ner. Mes hommes croient que les vôtres briseraient mon schooner pour en faire du bois de chauffage, s’ils n’y avaient pas établi une vigie comme à bord d’un vaisseau à l’ancre.

— D’un vaisseau à l’ancre ! répéta Roswell en souriant : vous dites là bien vrai. S’il y eut jamais un vaisseau à l’ancre, c’est celui-là car il n’y a pas de câble qui eût pu l’attacher ainsi au rivage.

— Nous croyons encore qu’il peut quitter la côte, dit Dagget en regardant Roswell comme pour le questionner.

Car Dagget, malgré sa défiance naturelle, estimait Roswell et croyait à sa parole comme à sa bonne foi.

— Je serai reconnaissant envers Dieu, capitaine Dagget, reprit Roswell après une courte pause, si nous parvenons à passer l’hiver sous cette latitude ; sans brûler des deux vaisseaux plus qu’il ne sera nécessaire pour nous sauver la vie. Assurément, il vaudrait mieux commencer par celui qui peut nous être le moins utile.

— J’y ai réfléchi, Gar’ner, de toutes les forces de mon esprit ; j’y ai rêvé, j’ai dormi sur cette pensée, j’y ai songé à toutes les heures, dans tous les temps ; elle me semble encore toute hérissée de difficultés. Voulez-vous consentir à recevoir une demi-cargaison de mes peaux et de mes huiles à la saison prochaine, et à partager avec moi tous les profits du voyage, si nous consentons à ce que ce vaisseau soit brûlé ?

— Il n’est pas en mon pouvoir de faire un pareil marché. J’ai un armateur qui tient à sa propriété, et mon équipage a droit à sa part, comme dans tous les vaisseaux baleiniers. Vous demandez trop, et vous oubliez que si je me prévalais sur mon vaisseau du même pouvoir auquel vous prétendez encore sur un navire naufragé, vous n’auriez jamais le moyen de sortir de ce groupe d’îles. Nous ne sommes pas forcés de vous recevoir à bord de notre schooner.

— Je sais, Gar’ner, qu’il nous sera impossible, suivant vous,