Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire la cuisine dans la maison, comme avant de quitter l’île. Roswell et tout l’équipage restèrent à bord.

On boucha en une semaine plusieurs voies d’eau, mais quand on voulut remettre le navire à flot, il en restait une qu’on trouva trop considérable pour risquer d’entreprendre un aussi grand voyage. Roswell exprima très-fermement son opinion sur la nécessité de boucher cette voie d’eau.

— Dans ce cas, répondit Dagget, il faudra replacer le schooner sur le rivage et se remettre au travail. Je vois ce que c’est, ce retard ne vous plaît pas, vous pensez au diacre Pratt et à Oyster-Pond. Je ne vous blâme point, Gar’ner, et je ne dirai jamais un mot contre vous ou votre équipage, quand même vous partiriez cet après-midi.

Dagget était-il sincère dans ces protestations ? Il l’était jusqu’à un certain point. Il voulait paraître juste et magnanime, tandis qu’en secret il s’efforçait d’agir sur les bons sentiments de Roswell aussi bien que sur son orgueil. Même dans la situation presque désespérée où il se trouvait, Dagget était encore préoccupé de la pensée du gain ; il ne renonçait même pas au trésor caché, dont il se flattait d’obtenir sa part en s’attachant à Roswell. Quand il s’agit du gain, il y a dans la race anglo-américaine une ténacité de bouledogue, qui mène sans doute à de grands résultats sous un rapport, mais qui est désagréable pour tout le monde, excepté pour celui qui est doué de cet instinct. Qu’un Yankee prenne un dollar avec les dents, et il sera impossible de le lui arracher.

Roswell, quoiqu’il fût bien peu disposé à prolonger son séjour dans ces îles, consentit à y rester jusqu’à ce qu’on se fût assuré s’il était possible de ramener le vaisseau avarié. C’était un délai d’une semaine.

On parvint en effet, à boucher la voie d’eau du schooner de Dagget, et on put le remettre à flot. Quelques instants après que ce résultat était obtenu et que son schooner se trouvait à l’ancre, Dagget aborda Roswell et lui serra la main.

— Je vous dois beaucoup, lui dit-il ; tous les gens du Vineyard le sauront, si nous retournons jamais chez nous.