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cachait encore. Ce serait pour vous un soulagement d’esprit que de m’en faire confidence.

Le diacre réfléchit en silence pendant quelques minutes.

— Il faut que vous sachiez tout, Marie, lui dit-il enfin. Gar’ner est allé chercher des veaux marins dans des îles que m’avait indiquées le Dagget qui est mort ici il y a environ un an et demi ; des îles que personne ne connaissait que lui-même, d’après ce qu’il disait. Les camarades qui s’étaient embarqués avec lui dans ces parages étaient tous morts lorsqu’il me dit ce secret.

— C’est ce que j’ai soupçonné depuis longtemps, et j’ai aussi supposé que les gens du Vineyard avaient eu quelque connaissance de ces îles, d’après la manière dont agissait le capitaine Dagget.

— N’est-ce pas merveilleux, ma fille ? des îles, dit-on, ou un schooner peut faire une cargaison d’huile et de peaux de veaux marins pendant cette courte saison où le soleil brille sur un été polaire ! merveilleux ! merveilleux !

— C’est très-extraordinaire, peut-être ; mais il faut nous souvenir des dangers que courent les jeunes gens du pays dans ces voyages lointains, et combien quelquefois les profits qu’ils réalisent sont chèrement achetés.

— Achetés ! si le schooner revenait, je n’y penserais plus. C’est l’achat et l’acquittement du vaisseau qui pèsent tant sur mon esprit. Eh bien, la première affaire de Gar’ner est de chasser les veaux marins dans ces îles, qui se trouvent à une trop horrible distance pour qu’on hasarde aussi loin sa propriété ; mais qui ne hasarde rien n’a rien. D’après mes calculs, le schooner a dû faire cinq cents milles à travers les glaces pour pénétrer jusqu’à ce parage, non pas ces glaces que l’on rencontre en allant d’Angleterre en Amérique, mais ces glaces qui couvrent la mer, comme nous les voyons quelquefois entassées dans la baie, seulement cent fois plus hautes, plus épaisses, plus étendues sur la surface des eaux, et plus froides. C’est une glace horriblement froide, tous les chasseurs de veaux marins me l’ont dit, que celle des mers antarctiques. C’est une chose extraordinaire, Marie,