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de glace qui se trouvaient à moins d’un mille. Sans étudier davantage la situation, Dagget s’avança dans ce canal ; Roswell le suivit de près. En moins de dix minutes ils se trouvèrent en face de cette magnifique cité d’albâtre qui flottait sur la mer Antarctique !

Malgré le péril qui maintenant menaçait les deux schooners, il était impossible d’approcher de cette scène de grandeur, qui n’était que l’œuvre de la nature, sans éprouver des sentiments de terreur, mêlée d’admiration. Assurément la crainte pesait sur tous les cœurs mais la curiosité, l’étonnement, le plaisir même, se confondaient dans tous les esprits.

À mesure que les vaisseaux arrivaient au milieu des montagnes flottantes, tout contribuait à rendre le mouvement qui leur était imprimé imposant sous tous les rapports, effrayant sous un seul.

Là se trouvait, en effet, un labyrinthe de montagnes presque toutes flottantes, blanches comme des spectres, tandis qu’un grand nombre revêtaient des couleurs plus agréables, et qu’il y en avait même de noires pendant la nuit. Les passages qui se trouvaient entre les montagnes flottantes, ou ce qu’on pourrait appeler les rues et les ruelles de cette cité mystérieuse, fantastique et sublime de l’Océan, étaient nombreux et d’une variété infinie. Quelques-uns formaient comme de grandes avenues en ligne droite d’une lieue de longueur ; d’autres étaient tortueux et étroits. Un grand nombre de ces passages n’étaient guère que des fissures, qu’on pouvait appeler des ruelles. Les schooners n’avaient pas fait une lieue au milieu des montagnes, qu’ils sentirent moins la violence du coup de vent et le mouvement des vagues. Ce à quoi on ne se serait pas attendu peut-être, la plaine de glace avait tout à fait disparu des passages qui existaient entre les montagnes, et la seule difficulté qu’on éprouvât en naviguant fut de rester dans les canaux qui avaient des issues, et qui paraissaient ne point se fermer. La marche des deux schooners était en ce moment très-ralentie ; les montagnes interceptant le vent, quoiqu’on l’entendît quelquefois hurler dans les profondeurs des ravins glacés, comme s’il avait tenté de s’échapper et de régner en liberté sur les vagues de l’Océan. On entendait aussi le bruit