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d’équipage y étaient accoutumés, l’humidité que les brouillards déposaient sur leurs agrès et leur mâture arrivant à l’état de congélation pendant les nuits d’automne. On a prétendu même que les montagnes de glace se formaient ainsi, quoique la neige y ait évidemment la plus grande part.

Vers dix heures, la lune se trouvait beaucoup au-dessus de l’horizon ; le brouillard était tombé en rosée sur la glace, où il s’était gelé, et il avait contribué à arrêter le dégel, tandis que l’Océan devenait lumineux pour l’heure de la nuit où l’on se trouvait, et que les objets étaient comparativement distincts. Ce fut alors que les marins se rendirent un compte exact de leur position. Les hommes hardis sont ordinairement insouciants dans l’obscurité ; mais, lorsque le danger est visible, leurs mouvements montrent plus de prudence et de sagesse que ceux des hommes timides. Dès que Dagget aperçut les masses énormes de la plaine de glace qui, poussées par les flots agités de l’Océan, s’entrechoquaient et faisaient le même bruit que le ressac sur la grève, il donna presque instinctivement l’ordre d’amener les voiles et de mettre le navire debout au vent, du moins autant que sa construction le lui permettait. Roswell remarqua ce changement de manœuvre, quelque léger qu’il fût ; et il l’imita. On était si près des gros glaçons, de ceux qu’on pouvait appeler les rôdeurs de cette grande armée, que chacun des vaisseaux, en passant près de ces glaçons, reçut quelques légères commotions des glaces qui étaient le plus en saillie.

Il était évident que les vaisseaux allaient arriver au milieu des glaces, et que Dagget n’avait pas donné l’ordre de diminuer de voiles un moment trop tôt.

La demi-heure qui suivit fut d’un intérêt absorbant. On rencontrait fragment de glace après fragment, et les schooners recevaient choc après choc, jusqu’à ce qu’enfin la plaine de glace apparut aux navigateurs. Elle formait un amas immense qui s’étendait au sud aussi loin que l’œil pouvait atteindre. Il ne restait plus qu’à virer.

Sans attendre plus longtemps que pour s’assurer lui-même des faits, Dagget ordonna de mettre la barre au vent et d’amener la