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nues et ses ruelles. Tous ceux qui ont vu ce spectacle, le représentent comme un des plus remarquables qui soient sortis de la main prodigue de la nature.

À la neuvième heure environ de cette mémorable nuit, un brouillard épais, qui s’étendait au-dessus de l’Océan, augmentait l’obscurité. Cela rendait Dagget encore plus prudent, et il se dirigeait vers l’ouest pour éviter de tomber au milieu des montagnes de glace. Comme de raison, Roswell suivait le mouvement, et quand la lune versa ses doux rayons sur cette scène extraordinaire, les deux schooners étaient sur une mer houleuse, à moins d’un mille de la chaîne de montagnes. On vit bientôt que des plaines de glace accompagnaient les montagnes flottantes, et qu’elles s’étendaient assez loin au sud pour se trouver déjà dans un voisinage embarrassant, sinon dangereux pour les deux vaisseaux. Ces plaines, cependant, qui ne ressemblaient pas à celles que les schooners avaient déjà rencontrées, étaient entamées par les ondulations des vagues, et avaient rarement plus d’un quart de mille en diamètre, quoique ces plaines ne fussent pas plus étendues que la glace ordinaire de nos principales rivières. On s’aperçut du voisinage de ces glaces au bruit qu’elles produisaient par leur choc, bruit qui se fit bientôt entendre au-dessus du mugissement des vents.

Nos deux capitaines commencèrent éprouver beaucoup d’inquiétude. On vit bientôt que Dagget avait été trop hardi, et qu’il s’était dirigé vers la glacé sans assez de prévoyance et de circonspection. À mesure que la lune devenait plus éclatante de lumière, il était facile d’apprécier, de minute en minute, les dangers en présence desquels on se trouvait. Il n’y avait rien de plus magnifique que la scène qui se développait devant nos marins, et qui pût offrir aux yeux une plus grande jouissance, si le péril couru par les deux schooners, qui étaient au vent d’une côte de glace, n’avait été aussi manifeste.

À la clarté qu’il faisait en ce moment, on pouvait croire qu’on avait devant les yeux le tableau de Wilkes représentant les ruines d’une ville d’albâtre. Il y avait des arcades de toutes les dimensions et de tous les ordres ; des clochetons sans nombre, des