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Le schooner d’Oyster-Pond s’éloigna le premier du rivage. On ne sentait guère la brise dans cette baie, mais il y avait assez de vent pour pousser le schooner. Après que Roswell eut fait un mille environ dans la baie, il attendit l’autre schooner. Au bout d’un quart d’heure, Dagget était à portée de la voix.

— Eh bien ! dit enfin ce dernier, vous voyez que j’ai raison, Gar’ner ; nous avons assez de vent de ce côté-ci et encore plus du côté de la terre. Nous n’avons qu’à naviguer au milieu des montagnes de glace tant qu’il fera jour, et à choisir un endroit où nous puissions passer la nuit. Je ne crois pas qu’il convienne de voyager la nuit au milieu de toute cette glace.

— J’aurais voulu, répondit Roswell, que nous fussions partis plus tôt, et que nous eussions pu traverser cette glace pendant le jour. Dix heures d’un pareil vent, et nous nous trouverions en dehors des glaces.

— Maintenant, dit Dagget, je suis aussi pressé que vous-même.

Les deux navires se mirent donc à naviguer de conserve. Ils se dirigèrent vers un point qui était sous le vent, là où s’offrait la plus grande ouverture dans la glace, et où l’on espérait trouver une passe au nord.

Comme Dagget était le plus ancien marin, il avait été convenu entre les deux capitaines que son schooner prendrait la tête. Il en fut ainsi pendant une heure lorsque les vaisseaux sortirent de la grande baie et du groupe des îles, filant environ dix nœuds à l’heure. Les vagues commencèrent à enfler, à mesure qu’ils s’éloignaient de la terre, et tout annonçait un coup de vent, mais non pas d’une grande violence.

La nuit approchait, et l’on apercevait au nord une chaîne alpestre de montagnes de glace reflétant les rayons obliques du soleil couchant. Il y avait un grand espace d’eau entièrement libre de glaces autour des schooners, et l’on n’apercevait même pas un gros glaçon. Dagget eut la pensée de passer la nuit au vent des montagnes flottantes. Le temps était précieux, le vent favorable, le ciel clair, et la lune, qui se montrait à neuf heures,