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baleines dans les eaux voisines. Gardiner reconnaissait, à beaucoup de signes, qu’on approchait de la terre, et il commençait à espérer de découvrir les îles qui étaient indiquées dans la carte de Dagget.

D’après les meilleures observations que Roswell avait pu faire, il se trouvait à un de ces courts degrés de longitude qui marquent le voisinage des pôles, ou à trente-deux milles à l’ouest du parallèle où il désirait être, lorsque le vent souffla du sud. Ce changement de temps était favorable, car il l’enhardit à se rapprocher plus qu’il ne l’aurait fait de cette grande barrière de glace qui formait maintenant une sorte de rivage. Heureusement les montagnes et toutes les masses de glace avaient dérivé de si loin au nord, que le schooner pouvait naviguer avec une certaine rapidité, et Roswell, pensant ne rien perdre du temps précieux que la saison lui laissait encore, se hasarda à continuer sa route pendant la courte nuit qui suivit. La grande brièveté des nuits durant l’été est d’un grand secours pour la navigation dans ces mers.

Quand le soleil reparut, le matin du sixième jour après qu’il eut quitté le cap Horn, Roswell Gardiner se crut assez loin à l’ouest pour approcher de sa destination. Il ne lui restait plus qu’à gagner un degré de plus au sud. Si Dagget avait dit la vérité, il s’était trouvé dans ces parages, et les instructions de l’armateur du schooner imposaient au jeune capitaine l’obligation de suivre la voie parcourue par Dagget. Plusieurs fois, dans cette matinée, Roswell regretta de ne s’être pas entendu avec les gens du Vineyard pour faire en commun ce grand effort. Il y avait quelque chose de si terrible pour un vaisseau isolé à se hasarder ainsi sur la glace dans une région si lointaine, que, pour dire le mot, Roswell hésitait. Mais l’orgueil de sa profession, l’ambition, l’amour de Marie, la crainte du diacre, son courage naturel et l’expérience du danger, lui donnaient la force dont il avait besoin. Il fallut suivre la voie où il était entré, et notre jeune marin mit la main à l’œuvre avec la ferme résolution de l’accomplir.

En ce moment, le schooner était de la longueur d’un câble séparé de la glace, dont il rasait le bord d’une course rapide. Gardiner croyait se trouver à l’ouest aussi loin qu’il était nécessaire,