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daient sous l’impulsion des vagues, et elles n’étaient que d’une dimension déjà très-amoindrie. Il devint absolument nécessaire de perdre toutes les heures de nuit, car il est très-dangereux de naviguer alors.

On savait que la grande barrière de glace était proche, et le nec plus ultra de Cook, à cette époque la grande limite de la navigation antarctique, se trouvait près du parallèle de latitude auquel le schooner était arrivé. Le temps continuait cependant d’être très-favorable, et, après le coup de vent qui était venu du nord-est, la brise souffla du sud avec des bouffées de neige, mais assez soutenue et pas assez fraîche pour forcer nos aventuriers à diminuer leur voilure. La douceur de l’eau avait suffi pour annoncer le voisinage de la glace ; non-seulement les calculs de Gardiner l’en avertissaient, mais ses yeux le lui disaient.

Dans le courant du cinquième jour, lorsque le temps s’éclaircit un peu, on aperçut comme par échappées la glace formant des murailles hautes comme des montagnes, ressemblant à autant de chaînes des Alpes, quoique se mouvant avec lourdeur sur les ondes toujours agitées de l’Océan. Des brouillards épais voilaient de temps en temps l’horizon tout entier, et ce jour-là le schooner fut forcé plusieurs fois de s’arrêter pour ne pas se jeter sur des masses ou des plaines de glaces, dont un grand nombre d’une vaste étendue commençaient à paraître.

Malgré les dangers qui entouraient nos aventuriers, aucun d’entre eux n’était assez insensible à la sublime puissance de la nature pour refuser son admiration aux grands objets qu’offrait aux regards ce spectacle sauvage et solitaire. Les montagnes de glace brillaient de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel à mesure que le soleil se reflétait sur leurs cimes ou sur leurs flancs, ou qu’elles se trouvaient cachées par des nuages épais et sombres. Il y avait des moments où quelques-unes de ces énormes masses se montraient dans des positions toutes particulières et suivant le jour où elles se trouvaient, tandis que d’autres, au même instant, offraient tout l’éclat de l’or et de l’émeraude.

Les oiseaux de mer étaient redevenus nombreux ; les albatros venaient animer ce spectacle, tandis qu’on entendait souffler les